Charm el-Cheikh se prépare à accueillir une vingtaine de leaders internationaux pour un sommet pour Gaza. KHALED DESOUKI / AFP
La confirmation égyptienne n’est tombée que dans la nuit : oui, l’Egypte va bel et bien accueillir un « sommet de la paix » pour Gaza, ce lundi, à Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge. Un sommet qui devrait donc se tenir juste après la libération des derniers otages israéliens du 7-Octobre, attendue d’ici à lundi matin, et sans doute dans le même temps que celle de centaines de prisonniers palestiniens.
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Israël doit en effet libérer 250 « détenus pour des raisons de sécurité » dont de nombreux condamnés pour des attentats meurtriers anti-israéliens, et 1 700 Palestiniens arrêtés par l’armée israélienne dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre en octobre 2023. Un sommet en Egypte donc, mais avec qui ? Et avec quels objectifs ? « Le Nouvel Obs » fait le point.
• Qui pour présider le sommet ?
Ce sont les présidents égyptien Abdel Fattah al-Sissi et américain Donald Trump qui présideront lundi après-midi ce « sommet de la paix ». Le locataire de la Maison Blanche, en campagne perpétuelle pour obtenir le prix Nobel de la paix (opération ratée pour cette année, malgré la lettre de recommandation du Premier ministre israélien), ne pouvait vraisemblablement pas laisser passer l’occasion de clamer une nouvelle fois qu’il a mis fin à « huit guerres » considérées « inarrêtables »… Une affirmation évidemment sujette à caution.
Donald Trump aux côtés du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, à la Maison Blanche, fin septembre. SAUL LOEB / AFP
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Charm el-Cheikh avait déjà accueilli des responsables du mouvement islamiste palestinien Hamas et d’Israël ainsi que les pays médiateurs lors de pourparlers intensifs la semaine dernière, afin de garantir la trêve sur la base d’un plan en 20 points présenté par le président américain Donald Trump.
• Qui sera présent ?
Les « dirigeants de plus de 20 pays » devraient être présents lundi, selon la présidence égyptienne. Le secrétaire général Antonio Guterres participera au sommet, a annoncé samedi soir le bureau de son porte-parole. Le président français Emmanuel Macron se rendra également lundi en Egypte pour marquer son « soutien à la mise en œuvre de l’accord présenté par le président Trump pour mettre fin à la guerre à Gaza » entre Israël et le Hamas, a annoncé samedi l’Élysée, alors qu’un conseil des ministres devait normalement se tenir ce lundi avec le nouveau gouvernement Lecornu, afin de présenter le projet de budget 2026. Emmanuel Macron échangera, à cette occasion, « avec ses partenaires sur les prochaines étapes de mise en œuvre du plan de paix », a expliqué la présidence française. La France a reconnu, fin septembre, l’Etat de Palestine, en même temps que dix autres pays fâchant au passage Donald Trump et Benyamin Netanyahou.
Emmanuel Macron, lors de son discours à l’ONU, le 25 septembre dernier. SPENCER PLATT / GETTY IMAGES VIA AFP
Le Premier ministre britannique Keir Starmer sera également présent au sommet, qui « marque un tournant historique pour la région après deux années de conflit et de bain de sang », selon un communiqué de Downing street. Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, et la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, sont aussi attendus en Egypte. Le président du Conseil de l’Union européenne, Antonio Costa, représentera quant à lui l’UE.
Le roi de Jordanie Abdallah II assistera lui aussi au sommet sur Gaza organisé en Egypte, a annoncé dimanche la télévision jordanienne, citant une source officielle jordanienne.
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De son côté, le Hamas a annoncé qu’il ne participera pas à la signature officielle de l’accord. « Concernant la signature officielle, nous ne serons pas présents », a affirmé un de ses hauts-responsables, Hossam Badran, dans une interview à l’AFP, en soulignant que le mouvement islamiste palestinien agissait « par l’intermédiaire des médiateurs qataris et égyptiens ».
Une délégation qatarienne est en effet présente en Egypte. Cependant, trois de ces diplomates ont été tués et deux autres blessés dans un accident de voiture près de la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh, a annoncé ce dimanche le Qatar, médiateur clé dans la guerre entre Israël et le Hamas. L’ambassade du Qatar au Caire a fait part de « sa profonde tristesse et son chagrin suite au décès de trois membres de son administration dans un tragique accident de la route à Charm el-Cheikh, alors qu’ils étaient en mission ». Selon la chaîne Al-Qahera News, liée aux services de sécurité égyptiens, l’accident est dû à une perte de contrôle au volant. Le Qatar a participé, avec l’Égypte et les États-Unis, à des mois de pourparlers visant à instaurer une trêve dans le territoire palestinien, qui ont abouti à un cessez-le-feu entré en vigueur vendredi.
Enfin, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou n’a pas donné d’indication sur sa participation ou non au sommet.
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• Quels sont les objectifs du sommet ?
« Le sommet vise à mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza, à renforcer les efforts pour instaurer la paix et la stabilité au Moyen-Orient, et à ouvrir une nouvelle page de sécurité et de stabilité régionale », précise le texte égyptien, au second jour d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
Une deuxième phase vers la paix qui s’annonce ardue, à en croire Hossam Badran, membre du bureau politique du Hamas, interrogé par l’AFP samedi. « La deuxième phase du plan Trump, de part les points qui doivent être abordés, porte en elle beaucoup de complexités et de difficultés. Cela nécessite des négociations peut-être plus longues mais aussi, avant cela, un dialogue national palestinien pour parvenir à une réponse nationale. »
Le haut responsable a notamment exprimé des doutes sur les points clés qui doivent encore être abordés dans la prochaine phase de pourparlers, comme le désarmement du mouvement islamiste, et a évoqué l’éventuel besoin d’un « dialogue national » palestinien sur ces sujets épineux. « Il est important de noter que les armes ne sont pas que celles du Hamas », argue-t-il. « Ce sont les armes du peuple palestinien et dans le cas palestinien, les armes c’est quelque chose de normal, elles font partie de l’histoire, du présent et de l’avenir. »
« C’est une situation normale pour tous les peuples qui vivent sous occupation, et de quelles armes parle-t-on ? Des chars ? Des avions ? Des armes sophistiquées ? Les armes détenues par le Hamas et par la résistance sont des armes individuelles pour défendre le peuple palestinien ».
Le Hamas quittera-t-il le territoire ? « Les dirigeants du Hamas présents dans la bande de Gaza se trouvent sur leur terre, celle où ils ont vécu, parmi leur famille et leur peuple. Il est donc naturel qu’ils y restent », tranche Hossam Badran. « Parler d’expulser les Palestiniens, qu’ils soient membres du Hamas ou non, de leur terre est absurde et insensé. »
Quid d’un futur Etat palestinien ? « Si nous n’obtenons pas le droit de créer notre Etat dans la phase à venir, il n’y aura pas de stabilité dans cette région, et le peuple palestinien continuera et persistera dans sa lutte et sa résistance par tous les moyens, et sous toutes les formes, jusqu’à ce que cet objectif fondamental pour les Palestiniens soit atteint. »
Evidemment, sur l’ensemble de ces points, la position israélienne (et, a fortiori, américaine) est quasiment inverse, ce qui laisse entrevoir des discussions difficiles et peut laisser craindre que le sommet ne se conclut sur un échec…