October 6, 2025

"L’État se défausse sur les collectivités, et nous, au milieu, on étouffe" : les syndicats redoutent "l’effondrement économique" de l’abattoir de Saint-Céré

l’essentiel
Après une rencontre tendue en préfecture du Lot, les syndicats dénoncent un ultimatum irréaliste. Sans prolongement de délai, une éventuelle fermeture sanitaire pourrait entraîner l’effondrement économique de l’abattoir de Saint-Céré, craignent les syndicats.

Lundi 6 octobre 2025, à l’issue d’une réunion organisée à la préfecture du Lot, la tension est montée d’un cran chez les représentants du monde agricole. Réunis à Cahors pour défendre l’abattoir public de Saint-Céré, les syndicats ressortent amers de leurs échanges avec la préfète Claire Raulin.

“On n’a pas obtenu ce qu’on était venus chercher”, déplore Clément Desport, co-président de la Coordination rurale du Lot. “La mise en demeure a été envoyée ce matin. Il reste dix jours. Ce n’est pas faisable, et tout le monde le sait.” Le ton est grave. Pour les syndicats agricoles – FDSEA, JA, Confédération paysanne, Coordination rurale – cette échéance pourrait signer la fin de l’outil, déjà fragilisé.

Certains animaux ont réussi à passer les grilles de la préfecture du Lot.
Certains animaux ont réussi à passer les grilles de la préfecture du Lot.
DDM – A.M.

Car l’abattoir, en difficulté économique, pourrait ne pas survivre à une suspension d’activité, même temporaire. Pierre-Hugo Remy-Ballester, de la Confédération paysanne, évoque un “double risque, sanitaire et économique”. Il redoute que la fermeture ne devienne définitive, faute de moyens pour redémarrer. “L’État se défausse sur les collectivités, et nous, au milieu, on étouffe.”

Unité syndicale devant la préfecture, à Cahors.
Unité syndicale devant la préfecture, à Cahors.
DDM – A.M.

“La situation est très préoccupante”

“La fermeture de l’abattoir serait un échec pour Cauvaldor, mais aussi un échec pour les services de l’État et pour la profession agricole. Tout le monde serait perdant”, s’indigne le sénateur du Lot, Raphaël Daubet. “Nous avons besoin d’une discussion politique. Y a-t-il, oui ou non, une volonté de sauver cet outil ? […] Il ne faut pas sous-estimer la complexité et la difficulté à faire fonctionner un tel outil industriel. Il faut donc revoir la gouvernance, les statuts et le mode de financement de l’abattoir. Poursuivre ce que nous avions engagé au niveau départemental. Et puis, je le dis comme je le pense : il faut résister à la pensée hygiéniste qui s’infiltre partout, à coups de règles, de normes, de protocoles et de préposés pour les faire appliquer. Elle est censée garantir notre sécurité sanitaire. Mais si l’on y prend garde, elle fermera les abattoirs, détruira les emplois, assassinera les paysans et dilapidera l’argent public. En cinquante ans, la pensée hygiéniste a déjà fait beaucoup de mal à l’agriculture lotoise, sa cuisine, ses saveurs, son génie.”

Une nouvelle réunion mardi

Du côté de la préfecture, la ligne reste claire. Claire Raulin rappelle que “la procédure est engagée depuis le printemps” et qu’il s’agit “d’une intention de suspension, non d’une fermeture automatique”. Elle insiste sur la nécessité de garantir la sécurité sanitaire et le bien-être animal, tout en maintenant le dialogue avec Cauvaldor et les usagers.

Certains ont profité de l’attente pour casser la croûte.
Certains ont profité de l’attente pour casser la croûte.
DDM – A.M.

Une nouvelle réunion est prévue ce mardi avec Cauvaldor, gestionnaire de l’abattoir. “C’est à eux de proposer des solutions concrètes”, souligne Pierre Lescure, président de la section bovine à la FDSEA du Lot. La CR 46, elle, prévient : si aucun engagement fort n’émerge, le mouvement pourrait se durcir. “On ne laissera pas tomber un outil aussi essentiel à notre modèle agricole”, martèle Clément Desport.

L’État “n’a pas vocation à faire fermer l’abattoir”

“L’État assure le contrôle des abattoirs. Celui de Saint-Céré est le dernier abattoir multi-espèces du département. Nous l’avons régulièrement accompagné, dans un dialogue constant avec la communauté de communes qui en assure la gestion”, rappelle la préfète du Lot, Claire Raulin. Une première mission de la force d’intervention nationale pour les abattoirs (FINA) avait déjà eu lieu en novembre 2023, suivie d’une mise en demeure au printemps 2025, prolongée durant l’été.

La dernière inspection, conduite à la mi-septembre, a conduit à la suspension de la chaîne porcine pour des raisons de non-conformité au bien-être animal. Le rapport confirme aussi la présence plus large de problèmes concernant la maîtrise de production et des questions d’hygiène. “Cela a conduit à la décision, notifiée ce matin à l’abattoir, d’une intention de suspension de l’agrément sanitaire. Un délai de dix jours est accordé”, rajoute la représentante de l’Etat.

L’intention de suspension de l’agrément, notifiée aujourd’hui, s’inscrit aussi dans une procédure contradictoire. “Si l’abattoir apporte la preuve qu’il a corrigé les non-conformités dans l’intervalle, la décision peut être réévaluée. Et même si l’agrément est suspendu, comme cela arrive ailleurs en France, le professionnel peut se mettre en conformité, faire les travaux nécessaires, et rouvrir ensuite.”

Face à l’inquiétude des syndicats agricoles, la préfète assure que l’État “n’a pas vocation à faire fermer l’abattoir”. Elle souligne que d’autres établissements, ailleurs en France, ont traversé ce type de procédure avant de reprendre leur activité. “Nous continuerons d’accompagner les acteurs locaux. Cet abattoir doit être porté collectivement, par les collectivités comme par les usagers.”

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