En marge de la 21e Nuit du rugby, ce lundi 6 octobre à Paris, et quelques jours après les déclarations du demi de mêlée vedette du Stade Toulousain et des Bleus, Emmanuel Eschalier a accordé à La Dépêche du Midi une interview où il évoque le salary cap, alors que le début des discussions autour de son évolution débute ce mardi.
Alors que le débat s’ouvre sur le salary cap ce mardi, avez-vous été surpris par la déclaration d’Antoine Dupont ?
Il y a un débat qui s’ouvre, ça a été annoncé depuis plusieurs mois. Effectivement, le premier atelier avec les clubs est cette semaine. C’est un processus qui va impliquer tout le monde, les 14 clubs de Top 14, leurs présidents, leurs directeurs généraux, également des représentants de clubs de Pro D2, évidemment le syndicat des joueurs, évidemment la Fédération française de rugby. Les joueurs auront toute leur place dans ce débat qui ne porte pas sur le principe du salary cap, ni sur sa nécessité et sa pertinence – qui je pense fait l’unanimité –, mais plutôt sur ses modalités. Donc on va aborder sans tabou tous les sujets : le montant, les crédits internationaux, les procédures de contrôle, l’assiette du salary cap, qu’est-ce qui rentre dedans, qu’est-ce qui ne rentre pas dedans, les procédures disciplinaires en cas de manquement. Il y a un débat qui s’ouvre. On s’est donné trois mois pour aboutir avec l’Assemblée générale de fin d’année mi-décembre qui devra conclure, pour que le comité directeur, au début de l’année, prenne des décisions à l’issue de ce débat sur l’évolution du règlement à partir de 2027.
Mais cette déclaration vous a-t-elle surpris à la Ligue ?
Déjà, on entend les voix des joueurs. C’est normal qu’ils s’expriment sur ce dispositif qui les concerne au plus haut point. Antoine Dupont s’est exprimé, on respecte tout à fait sa position. Les droits d’image, c’est un débat extrêmement compliqué mais encore une fois, on souhaite mener cette revue telle qu’on l’a prévue, en entendant tout le monde, de façon structurée, organisée. Et les décisions à la sortie seront collectives.
“L’objectif n’est pas du tout de s’ingérer dans la vie privée des joueurs”
Est-ce de nature à faire naître de la suspicion ou plutôt à mettre la pression sur les décideurs ?
Non, non, il n’y a pas de pression. Pas de pression du tout. Mais je pense qu’encore une fois, la nécessité, l’utilité et l’efficacité du salary cap ne font pas vraiment débat. Tous les acteurs, je pense, sont au soutien du principe du dispositif. Après, il y a des débats permanents…
Sur le caractère intrusif ?
Je ne pense pas qu’il soit très intrusif. En Angleterre, il l’est beaucoup plus, par exemple. Les joueurs sont des acteurs du salary cap, donc c’est assez logique que le salary cap manager sollicite des éléments d’information quand il en a besoin. Maintenant, l’objectif n’est pas du tout de s’ingérer dans la vie privée des joueurs. Seules les informations de caractère professionnel sont susceptibles de leur être demandées. Encore une fois, il y a un débat qui s’ouvre, les joueurs se sont exprimés, il y aura d’autres voix qui se feront entendre, que ce soit dans le cadre des débats ou auprès des médias. Cela fait partie de ce type de processus. On s’est donné quatre mois pour aboutir et prendre des décisions, on souhaite s’y tenir.
Le nœud du problème ne vient-il pas des droits d’image des partenaires privés, les parties non associées au club (PNAC), qui ne sont pas intégrés au salary cap ?
Si le salary cap manager considère qu’un droit d’image versé par une partie non associée relève plutôt d’un droit d’image versé par une partie associée ou est connecté à des accords pris par le club, il a la possibilité de les requalifier, de les réintégrer de façon ponctuelle et après une enquête documentée. Les parties non associées, c’est l’exploitation par les joueurs de leur image individuelle auprès d’entités qui ne sont pas partenaires et actionnaires du club. Le principe de leur exclusion du salarié cap ne me paraît pas être remis en cause.
En quoi ces PNAC sont un enjeu crucial ?
Le salary cap n’interdit pas aux joueurs d’exploiter leur image. Simplement, ils doivent être déclarés quand il s’agit d’un droit d’image exploité par des partenaires du club. C’est ce qu’on appelle les parties associées, et ces montants-là sont inclus dans le salary cap. Et lorsqu’il s’agit de parties non associées, ces montants sont exclus du salary cap. Donc il n’y a pas d’impossibilité ou d’interdiction pour les joueurs, je ne vois pas pourquoi il y en aurait d’ailleurs, d’exploiter leur image.
Il se dit que certains clubs sous-traiteraient le démarchage de partenaires extérieurs…
Je ne veux pas rentrer dans les on-dit, les rumeurs. Ce n’est pas de notre responsabilité que de commenter les commenter (sourire). C’est au salary cap manager de faire son travail sur des cas et des faits précis, s’il y en a.
Est-ce qu’il a les moyens de faire suffisamment bien son travail ?
Il a de plus en plus de moyens. Il ne travaille pas tout seul. Il a une équipe juridique, une équipe financière, une équipe qui nous permet aussi, à travers des bases de données, des outils économiques, de repérer les anomalies. Il a des pouvoirs d’enquête importants. On peut enjoindre toutes les parties prenantes qui sont concernées par une enquête de communiquer des documents. Ce ne sont pas des moyens illimités, évidemment. Le salary cap manager fait avec ce que la loi nous permet de lui donner comme moyens. Néanmoins, il a des pouvoirs d’investigation importants et je pense que son travail est reconnu. Le contrôle est-il parfait ? La réponse est non. Le salary est-il un dispositif parfait ? La réponse est non. C’est un dispositif perfectible qui a évolué en permanence au fil des 15 ans. C’est d’ailleurs pour ça qu’on ouvre cette revue. C’est pour mettre les sujets de discussion à plat, sur la table et les évoquer de façon sereine. Et prendre des décisions collectives.
Est-ce que la transparence est utopique ?
Non, pas du tout. D’ailleurs, c’est une obligation que chacun a. Et les sanctions sont lourdes en cas de manquement, jusqu’à 2 millions d’euros. Et maintenant, à partir de l’année prochaine, des sanctions sportives jusqu’à 10 points. On peut toujours s’exonérer de ses obligations de transparence jusqu’au moment où on se fait rattraper. C’est un risque important de ne pas adhérer à l’obligation.
Est-ce que c’est envisageable d’estimer la valeur de l’image d’un joueur pour régler le problème ?
C’est très compliqué, très subjectif et très politique. C’est techniquement très compliqué. L’UEFA a essayé, à travers le fair-play financier, d’évaluer la juste valorisation des contrats de partenariat des clubs et on voit bien que c’est extrêmement compliqué.