Nommé à Matignon le 10 septembre, Sébastien Lecornu a connu un démarrage fulgurant… avant une chute tout aussi rapide. Plébiscité pour sa méthode de dialogue, il a vite cristallisé les doutes d’une opinion qui ne croit plus à la rupture promise. Trois semaines après son arrivée, les sondages dressent le portrait d’un Premier ministre déjà fragilisé et prisonnier de la continuité macroniste.
Une déception initiale, une méthode d’abord appréciée mais qui finit par agacer et une chute rapide de confiance : l’itinéraire de Sébastien Lecornu à Matignon vu par les sondages en fait, d’évidence, « le Premier ministre le plus faible de la Ve République » comme il l’a lui-même concédé.
La nomination du ministre des Armées, très proche d’Emmanuel Macron, à Matignon le 10 septembre, avait immédiatement cristallisé la défiance. Selon un sondage Odoxa réalisé ce jour-là, sept Français sur dix estimaient que ce choix ne correspondait pas à leurs attentes. Avec 56 % de mauvaises opinions et 68 % jugeant qu’il ne saurait former un gouvernement à la hauteur, Lecornu débutait plus bas que ses prédécesseurs Michel Barnier et François Bayrou.
Pourtant, une idée faisait consensus : sa méthode de dialogue avec les oppositions, notamment l’ébauche d’un accord budgétaire avant la formation du gouvernement, était plébiscitée par 73 % des sondés. Mais déjà, 60 % jugeaient qu’elle ne pourrait aboutir…
La rupture promise en question
Une semaine plus tard, un second sondage Odoxa venait nuancer ce constat. Le 18 septembre, 52 % des Français jugent les débuts du mutique et peu médiatique Sébastien Lecornu « satisfaisants », soit 18 points de mieux que Bayrou.
Sa cote de popularité atteint alors 50 %, un niveau inédit depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Mais cette embellie ne dissipe pas les doutes : 72 % ne croient toujours pas à la politique de rupture promise sur le perron de Matignon, 74 % la jugent conforme à la ligne présidentielle et 69 % considèrent que le véritable chef de l’exécutif reste Emmanuel Macron. Surtout, 70 % anticipent déjà un changement de Premier ministre dans l’année.
Un sondage Elabe, publié le 17 septembre, confirme ces doutes. Une majorité (52 %) de Français estime que Lecornu ne parviendra pas à éviter la censure budgétaire, faute de compromis avec les oppositions. Plus frappant encore, deux Français sur trois voient alors en lui un simple continuateur des gouvernements Macron. Cet ancrage dans la continuité, perçu comme un manque de volonté de rupture, est partagé… jusque dans l’électorat de Renaissance.
Sur un siège éjectable
Dès lors la dynamique positive s’enraye. Le 25 septembre, Odoxa enregistre une chute brutale : seuls 43 % des Français se disent satisfaits, contre 52 % une semaine plus tôt. La défiance atteint 65 % sur sa capacité à composer un gouvernement répondant aux attentes des sondés. De nouveau, 73 % des Français jugent inéluctable un prochain remplacement à Matignon.
En fin de mois, l’écart avec le Président joue paradoxalement en faveur de Sébastien Lecornu. Selon Odoxa le 30 septembre, il est jugé plus populaire qu’Emmanuel Macron (32 % contre 22 % pour le chef de l’État). Mais cette avance relative ne masque pas l’ampleur de son impopularité absolue : Sébastien Lecornu demeure l’un des Premiers ministres les plus mal accueillis de la Ve République.
Plébiscité pour sa volonté affichée de dialogue, il n’a au final pas convaincu sur sa capacité à rompre avec la pratique verticale d’Emmanuel Macron. Trois semaines après sa nomination, l’espoir d’un souffle nouveau cède la place à la conviction que, pour Sébastien Lecornu, Matignon n’est plus qu’un siège éjectable. Et la nomination du gouvernement ne devrait pas changer cet état d’esprit.