October 4, 2025

DECRYPTAGE. Violence routière : insultes, menaces, agressions… Pourquoi les automobilistes deviennent fous derrière un volant

l’essentiel
Entre faits divers tragiques et peur affirmée de l’agressivité des autres conducteurs, la violence routière se révèle être un phénomène préoccupant en France.

Mortellement poignardé pour une histoire de refus de priorité. Samedi dernier au Mans (Sarthe), un homme de 23 ans a perdu la vie après une altercation avec un autre automobiliste de 21 ans, qui était en possession d’un couteau. Interpellé, ce dernier a été placé en détention provisoire et mis en examen pour meurtre, tout en reconnaissant les faits. “Gamin sans histoires ni casier judiciaire” vivant encore chez ses parents, le jeune homme aurait “paniqué” et avant tout cherché à se défendre.

Ce drame rappelle celui, survenu en octobre 2024 à Paris, où un cycliste de 27 ans a été mortellement écrasé par un SUV roulant sur une piste cyclable, là aussi après une altercation. Si le conducteur avait plaidé une perte de contrôle de son véhicule, sa version a été mise à mal par un rapport d’expertise au mois de mai.

Près de 9 Français sur 10 ont peur des autres sur la route

Deux faits divers qui illustrent la montée inquiétante d’une violence ordinaire sur nos routes. Dans ce contexte, un récent sondage IPSOS pour la Fondation Vinci Autoroutes révélait au printemps que près de 9 Français sur 10 disent avoir peur du comportement menaçant des autres conducteurs (87 %). Une crainte légitime selon Jean-François Assailly, psychologue des comportements routiers, évoquant “une relation très forte entre congestion du trafic, stress, et agressivité”.

“Le sujet du rage road, pour rage au volant, a été beaucoup étudié aux Etats-Unis dans les années 90, avant d’être délaissé progressivement par les chercheurs qui n’avaient pas assez de données, relate celui a qui a publié Homo Automobilis (éditions Imago). Contrairement à des tests d’alcoolémie, un radar qui flashe, il est compliqué d’avoir des chiffres. Pour un pétage de plombs au volant, des insultes ou des doigts d’honneur, il n’y a pas un policier pour l’enregistrer, le détecter.”

“En voiture, l’autre n’existe plus, ça favorise l’exercice de la violence”

Alors que les Français se disent convaincus dans une très grande majorité d’être exemplaires sur la route et que le problème viendrait des autres jugés irresponsables (41 %) et dangereux (41 % également), la question du sentiment d’impunité se pose.

Jean-François Assailly n’hésite d’ailleurs pas à faire le parallèle avec les réseaux sociaux, et le déferlement de haine rendu possible par la protection offerte par l’anonymat. “En voiture, il y a un effet cocon, on se sent protégé, comme dans une bulle, relate le psychologue. Avec les modèles d’aujourd’hui, on ne perçoit plus vraiment les bruits, la vitesse, le monde extérieur. L’autre n’existe plus, ça favorise l’exercice de la violence.”

Pour appuyer son propos, Jean-François Assailly évoque l’exemple du non-respect des distances de sécurité, source d’accidents, et des adeptes du collage au train exprimer un mécontentement. “Si vous le transposez à un type qui se met corps à corps sur vous dans la rue, on ne parlerait pas de non-respect de distance corporelle, mais bien d’agression. Le vrai problème, c’est que la route demeure l’un des derniers espaces où l’agressivité reste socialement tolérée, car elle n’est pas pleinement reconnue comme une forme de violence.”

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