Le président iranien Massoud Pezeshkian à la tribune de l’ONU, le 24 septembre 2025. TIMOTHY A. CLARY / AFP
Sauf coup de théâtre de dernière minute, toutes les résolutions de l’ONU relatives aux sanctions contre Téhéran pour empêcher la prolifération nucléaire en Iran seront rétablies à minuit dans la nuit de ce samedi 27 au dimanche 28 septembre. En cause, l’échec des négociations entre les Européens, qui réclament des gages sur le programme nucléaire iranien et redoute que le pays se dote de l’arme nucléaire, et Téhéran qui dénonce une décision illégale. Des dispositions antérieures, qui avaient été suspendues avec l’accord de 2015, seront rétablies. On fait le point.
• Pourquoi ces sanctions pourraient-elles être rétablies ?
Le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, groupe de pays appelés E3, ont déclenché fin août le mécanisme dit « snapback » qui permet dans un délai de 30 jours de rétablir les sanctions levées en 2015 après l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA). Des réunions se sont multipliées toute la semaine en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York pour tenter de trouver une solution diplomatique, mais le trio européen a jugé que Téhéran n’avait pas fait les « gestes concrets ». Les Européens avaient posé trois conditions : reprise des négociations avec les Etats-Unis ; accès des inspecteurs de l’AIEA sur les sites nucléaires sensibles de Natanz, Fordo et Ispahan, bombardés en juin par Israël et les Etats-Unis ; processus pour sécuriser le stock d’uranium enrichi.
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Après avoir suspendu ses relations avec l’agence onusienne à la suite des attaques de juin, l’Iran avait accepté début septembre un nouveau cadre de coopération avec l’AIEA et des inspections de certains sites nucléaires ont repris cette semaine, selon l’agence. Le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, a donc accusé Américains et Européens de « mauvaise foi », jurant que son pays ne céderait « jamais à la pression », tout en laissant la porte ouverte aux négociations.
Après le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU et l’échec vendredi de la Russie et de la Chine à repousser la date butoir, le retour des sanctions semble inéluctable.
• Quelles sont ces sanctions ?
Les sanctions doivent cibler les entreprises, les entités et les individus qui contribuent directement ou indirectement au programme nucléaire iranien ou au développement de missiles balistiques, soit parce qu’ils fournissent les équipements nécessaires, le savoir-faire ou le financement. Elles comprennent notamment un embargo sur les armes conventionnelles avec l’interdiction de toute vente ou transfert d’armes à l’Iran. Seront prohibées les importations et l’exportation ou le transfert de pièces, de biens et technologies liés au programme nucléaire et balistique.
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Les avoirs d’entités et d’individus à l’étranger appartenant à des personnes ou entités iraniennes liées aux programmes nucléaires seront gelés, et les personnes désignées comme parties prenantes aux activités prohibées pourront se voir interdire la circulation internationale (entrée, transit) dans les États membres de l’ONU.
Les Etats membres de l’ONU devront aussi restreindre les activités bancaires et financières (fourniture de services, de financements) qui pourraient aider l’Iran dans ses programmes nucléaires ou balistiques. Et les personnes ou entités qui violeraient les dispositions pourraient voir leurs biens bloqués à l’international.
• Seront-elles respectées ?
Les résolutions et sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU sont contraignantes mais régulièrement violées. La grande question est de savoir si des pays comme la Chine et la Russie, qui estiment que le déclenchement du « snapback » était illégal, pourraient ne pas les respecter. L’ambassadeur adjoint russe à l’ONU Dmitry Polyanskiy a semblé le suggérer vendredi : « Il n’y a pas de snapback et il n’y aura pas de snapback. Toute tentative de ressusciter les résolutions anti-iraniennes du Conseil de sécurité en place avant 2015 est nulle et non avenue », a-t-il martelé après l’échec du vote.
Certains pays, dont la Chine, avaient notamment continué à entretenir leurs échanges commerciaux avec l’Iran en dépit des sanctions américaines qui ont été rétablies lorsque les Etats-Unis ont quitté l’accord JCPOA en 2018.
• De quoi est accusée l’Iran ?
Les Occidentaux redoutent que l’Iran se dote de l’arme nucléaire, ce que Téhéran dément vigoureusement, défendant son droit à développer un programme nucléaire à des fins civiles. En 2015, France, Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Unis, Russie et Chine avaient conclu avec Téhéran un accord, prévoyant un encadrement des activités nucléaires iraniennes en échange d’une levée des sanctions. Les Etats-Unis, sous le premier mandat du président Donald Trump, ont décidé en 2018 de s’en retirer et de rétablir leurs propres sanctions.
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Mais l’Iran s’est ensuite affranchi de certains engagements, notamment sur l’enrichissement d’uranium. L’Iran dispose de 450 kg d’uranium enrichi à 60 %, un stock qui, s’il était enrichi jusqu’au niveau de 90 %, permettrait au pays de se doter de 8 à 10 bombes nucléaires, selon des experts européens. « L’Iran n’a jamais cherché et ne cherchera jamais à fabriquer une bombe atomique. Nous ne voulons pas d’armes nucléaires », a encore martelé cette semaine à la tribune de l’ONU le président iranien Massoud Pezeshkian.
« L’escalade nucléaire de l’Iran, détaillée dans plus de 60 rapports de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) ces six dernières années, est une menace à la paix et à la sécurité », a estimé de son côté vendredi l’ambassadrice britannique à l’ONU Barbara Woodward, sans exclure que les sanctions puissent être à nouveau levées « à l’avenir ».
• Comment a réagi Téhéran ?
Les Iraniens jugent illégal le processus de rétablissement des sanctions, tout comme la Russie et la Chine. En protestation, l’Iran a rappelé samedi « pour consultations » ses ambassadeurs en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, a rapporté la télévision d’Etat.
Massoud Pezeshkian a par ailleurs affirmé samedi que les Etats-Unis avaient exigé de l’Iran qu’il lui remette « tout » son uranium enrichi. Il a qualifié cette requête d’« inacceptable ». « Dans quelques mois, ils auront une nouvelle exigence et diront (de nouveau) qu’ils veulent rétablir le snapback », a ajouté le président iranien à la télévision d’Etat.