Le 8 mai 2024, le Comité Olympique palestinien demandait l’exclusion d’Israël des compétitions Olympiques des Jeux de Paris 2024, au même titre que la Russie. La réponse apportée par le Comité international Olympique (CIO) fut sans appel : « Il n’est pas question d’envisager des sanctions. » De même, le 22 mai 2024, le président du Comité international Paralympique (IPC) déclarait qu’il n’y avait « pas de raisons de sanctionner Israël ». Pourtant, Gaza était bombardée depuis 152 jours, et l’Agence de l’ONU pour les Réfugiés palestiniens (UNRWA) indiquait déjà que plus d’enfants avaient été tués dans la bande de Gaza en quatre mois de guerre avec Israël, qu’en quatre ans de conflits à travers le monde. Cette décision contraste avec celle de 2023 : l’IPC avait imposé aux athlètes russes et biélorusses de concourir sous bannière neutre, s’alignant sur la position du CIO. Le 28 février 2022 la commission exécutive du CIO avait même recommandé de bannir les athlètes russes et les biélorusses des compétitions sportives, 4 jours après l’invasion russe en Ukraine.
Cette différence de traitement va jusqu’à la répression de celles et ceux qui la dénoncent. A titre d’exemple, Amine Messal s’est introduit dans le périmètre de sécurité du Tour de France, 3ᵉ compétition la plus regardée au monde, pour courir quelques mètres en portant un tee-shirt à l’inscription « Israël out of the Tour ». Car la présence de l’équipe Israël Premier Tech – dont le principal financeur, Sylvan Adams, soutient publiquement la colonisation israélienne – est difficilement compréhensible et acceptable puisqu’en 2022, la Fédération internationale de Cyclisme (UCI) avait immédiatement prononcé l’exclusion des équipes russes et Gazprom/Rusvelo, suivant la recommandation du CIO. Pour 13 secondes de course pacifique, Amine Messal a été frappé au visage, menotté, envoyé en garde à vue et risque désormais deux ans d’emprisonnement et 20 000€ d’amende. Son cas n’est pas isolé et s’inscrit dans une atmosphère de silenciation et de criminalisation de toutes les personnes s’exprimant au sujet de la situation dramatique à Gaza. Cela illustre de toute l’incohérence du CIO, de l’IPC, des Fédérations sportives, et des organisateurs d’événements sportifs, qui préfèrent répondre par la répression plutôt que de réagir aux appels qui leur sont lancés.
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La position des organisations sportives est d’autant plus regrettable qu’elle est en contradiction totale avec la charte olympique du CIO, qui déclare l’Olympisme comme principe fondamental visant « la responsabilité sociale et le respect des droits humains reconnus au plan international et des principes éthiques fondamentaux universels » (principe 1). Dans cette même charte, le CIO déclare avoir pour mission « de coopérer avec les organisations et les autorités publiques ou privées compétentes aux fins de mettre le sport au service de l’humanité et de promouvoir ainsi la paix » (article 4). De même, le code d’éthique du Comité international Paralympique requiert dans son préambule « l’acceptation des valeurs fondamentales que sont l’honnêteté, les droits de l’homme, l’équité, la justice, la non-discrimination et l’intégrité personnelle ».
Face à cette situation, nous, sportifs et sportives de haut niveau, acteurs du monde du sport, appelons toutes les institutions et structures sportives, des clubs, fédérations et comités nationaux, organisateurs d’événements comme le Tour de France, en passant par les ministères des sports, jusqu’aux CIO et IPC, à sortir du silence et de l’inaction qui enferment le monde du sport dans un double standard d’une indignité injustifiable. La simplicité de notre position tient en une phrase : ce qui n’est pas accepté pour la Russie, ne peut pas l’être pour Israël, ni pour toute autre nation portant atteinte à la dignité humaine.
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En 1975, le président du CIO déclarait « Nul doute que les compétitions sportives, et en particulier les Jeux Olympiques, reflètent la réalité du monde et constituent un microcosme des relations internationales ». Lieu de revendication pour les droits civiques américains en 1968, espace pénétré illégalement par celles qui se sont arrogé le droit d’être marathoniennes comme les hommes en 1967, endroit d’un activisme paralympique contre l’apartheid en Afrique du Sud dans les années 1970, les compétitions sportives regorgent historiquement d’exemples de désobéissance civile parfois durement réprimés hier, et applaudis sans retenue aujourd’hui. Ces actions font écho aux nombreuses voix qui s’élèvent dans le monde du sport, comme Lewis Hamilton (pilote de formule 1 britannique), Coco Gauff (tenniswoman américaine), Ons Jabeur (tenniswoman tunisienne), Mohamed Salah (footballeur égyptien), ou encore Anissa Meksen (boxeuse française).
La situation à Gaza est effroyable, plus de 50 000 enfants ont été tués ou blessés et aujourd’hui c’est plus de 71 000 risquent de mourir de malnutrition aiguë (Unicef). Alors que 1 400 Gazaouis ont été tués pour s’être rendus à une distribution alimentaire, que des employés de l’ONU s’évanouissent de faim à Gaza (ONU), et qu’une commission d’enquête de l’ONU accuse Israël « d’actes génocidaires », plus rien ne justifie l’inaction et le silence. Apportant notre soutien total à Amine Messal ainsi qu’à toutes les personnes s’exprimant pacifiquement en faveur de mises en place d’actions politiques, économiques et humanitaires concrètes de leur pays, nous unissons nos voix pour exiger de nos instances et institutions sportives de prendre des mesures fortes, équitables, et rapides pour arrêter le massacre et faire respecter l’esprit des chartes Olympiques et Paralympiques que nous incarnons.
Premiers signataires (Liste complète ici)
Arnaud Assoumani. Athlétisme (Saut en longueur), champion paralympique (2008), deux fois champion du monde (2006, 2011), cinq fois paralympien (2004, 2008, 2012, 2016, 2021) et quatre fois médaillé.
Marion Haerty. Snowboard (freeride), quatre fois championne du monde (2017,2019,2020,2021)
Eric Cantona. (Football, ancien international)
Gabriella Papadakis. Patinage artistique, championne olympique (2022), cinq fois championne du monde (2015, 2016, 2018, 2019, 2022), sept fois championne de France (2015-2022)
Xavier Thévenard. Trail, triple vainqueur de l’Ultra Trail du mont-Blanc (2013, 2015, 2018)
Marlène Devillez. Canoë-kayak (freestyle), Triple championne d’Europe (2010, 2012, 2014), vice championne du monde (2019), et quatorze fois championne de France (depuis 2008)
Yohann Diniz. Athlétisme (50km marche), recordman du monde, champion du monde (2017), trois fois champion d’Europe (2014, 2010, 2006)
Marie Patouillet. Cyclisme (piste et route), championne paralympique (2024), trois fois championne du monde (2024, 2024, 2022)
Sofiane Milous.Judo, champion d’Europe (2010), 5ème aux Jeux Olympiques (2012)
Jeanne Lehair. Triathlon, Championne d’Europe 2023, vainqueur étape WTCS Yokohama 2025, olympienne (2024)
Vincent Bouillard. Ultra trail, vainqueur de l’Ultra Trail du mont-Blanc (2024)
Estelle Rizzolio. Snowboard, Vice championne du monde 2024, Top 10 Freeride World Tour
Bakary Meïté. Rugby, sélection internationale en équipe de Côte d’Ivoire
Anne Tran. Badminton, championne d’Europe (2024), olympienne (2024), et double championne de France (2023, 2024)
Seb Berthe. Escalade, Grimpeur professionnel
Sylvie Eberena. Haltérophilie, championne de France (2024)
Céline Machado. Coprésidente FSGT
Adil El Ouadehe. Directeur technique national UFOLEP
François Chiron. Coach INSEP, coach de l’équipe nationale suisse d’athlétisme
Haïfa Tlili. Sociologue du sport
Cet article est une tribune, rédigée par un auteur extérieur
au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.