La Chine accélère sa transition verte, en témoigne les promesses de Xi Jinping au sommet de l’ONU cette semaine. “L’Empire du Milieu” creuse ainsi un écart avec les États-Unis climatosceptiques. Mais entre dépendance au charbon et ambitions jugées limitées, peut-elle réellement incarner le leadership mondial du climat ?
Depuis une quinzaine d’années, la Chine promeut un concept singulier, celui de la “civilisation écologique”, en réponse aux défis environnementaux. À coups de plans quinquennaux, le pays réussit la prouesse de se hisser au sommet mondial de l’industrie de la transition écologique, loin devant les pays occidentaux et creusant un fossé incontestable avec les États-Unis.
Donald Trump, figure centrale du climatoscepticisme, a incarné la négation du réchauffement climatique et le recul des engagements internationaux. Leur dichotomie s’est largement reflétée à l’Organisation des Nations Unies (ONU), le 25 septembre dernier. “Notre détermination doit être inébranlable. La transition verte et bas carbone est la tendance de notre temps. Même si certains pays vont contre ce courant, la communauté internationale doit persévérer dans la bonne direction, rester déterminée et continuer d’agir sans réduire l’effort”, a soutenu Xi Jinping, alors que le président américain vantait la veille les bienfaits du pétrole et des énergies fossiles.
“Les États-Unis reviennent en arrière”
Cette annonce “illustre le fossé croissant entre les deux plus grands émetteurs mondiaux”, souligne le Washington Post, cité par Courrier International. “Tandis que les États-Unis reviennent en arrière” sur leurs objectifs climatiques, “la Chine cherche, elle, à s’imposer comme le leader des énergies vertes”.
Le discours du président chinois, porté par l’importance de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035, s’accompagne d’une seconde promesse : celle de multiplier par plus de six sa capacité installée de production d’énergies éoliennes et solaires en 10 ans. L’Empire du Milieu envisage en outre de porter à plus de 30 % d’ici 2035 la part de combustibles non fossiles dans sa consommation d’énergie.
Un “leader des énergies vertes” ?
Le contraste Trump/Jinping éclaire les dynamiques actuelles de la gouvernance climatique mondiale. Les ambitions affichées du régime chinois sur le changement climatique lui conféreraient volontiers le rôle de leader du climat. Mais selon certains experts, cette hégémonie n’est ni recherchée ni voulue par la Chine. “Si les ambitions des autres pays sont à la traîne, la Chine le restera aussi, analyse pour La Croix Emmanuel Lincot, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Sa doctrine inhérente consiste à toujours jouer le second rôle et avoir des marges de manœuvre, plutôt qu’être exposé au premier plan.”
Bien que jugé prometteur, son discours à l’ONU a déçu certains spécialistes. Pékin “aurait pu se montrer plus ambitieux, étant donné que ses énormes ajouts d’énergie bas carbone au cours de la dernière décennie ont fortement ralenti la croissance de ses émissions”, note le Wall Street Journal. Le chercheur américain Lauri Myllyvirta, cofondateur du Centre pour la recherche de l’énergie et la propreté de l’air, partage pour Courrier International le même avis qu’Emmanuel Lincot : “Le retrait américain a abaissé le niveau d’exigence de ce qui serait considéré comme suffisamment ambitieux.”
Si la “civilisation écologique” constitue un levier de soft power et un outil de légitimation politique pour Pékin, le pays reste encore très dépendant du charbon, la transparence des données est questionnée tandis que ses objectifs annoncés sont jugés insuffisants par rapport à la limite du dépassement du seuil de 1,5°C fixée par l’accord de Paris.