September 25, 2025

RECIT. Procès Jubillar : Téléphonie disséquée… la thèse embrouillée d’un "témoin-expert" crée le malaise

l’essentiel
À la cour d’assises du Tarn, le procès de Cédric Jubillar a été marqué par un épisode troublant : la prestation d’un témoin autoproclamé expert, vite contredit par de véritables spécialistes. Au cœur des débats, l’analyse des données numériques de son téléphone, entre faux espoirs de localisation et révélations techniques sur son usage dans la nuit de la disparition de son épouse Delphine.

Il faut un guide illustré en sciences numériques pour suivre les explications savantes d’Alain Gand. Cet ancien policier qui se décrit “expert en systèmes et logiciels informatiques”, l’avoue : “Je ne suis pas expert, mais j’ai travaillé au sein de nombreuses unités de police”.

Cité par un avocat de la partie civile, Mourad Battikh, ce “témoin-VRP” déroule son Powerpoint sur les écrans de la cour d’assises du Tarn, à Albi. L’enjeu est de taille : expliquer les mystérieux points de géolocalisation du téléphone de Cédric Jubillar, accusé du meurtre de sa femme, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, à Cagnac-les-Mines.

Soupçonné d’avoir transporté son coprs dans la forêt

Ces données GPS sont remontées sur son téléphone qui le localise, le 15 décembre 2020, à 12h42 et 12h51 et le 16 décembre à 3h21, en forêt de Mirandol, à 35 km de Cagnac-les-Mines. Son épouse Delphine, dont il signale la disparition, le 16 décembre à 4h09, par un appel à la gendarmerie, n’a jamais été retrouvée. Il est donc soupçonné d’avoir transporté son corps dans ce lieu, en rase campagne et de l’avoir enterré. Ce qui, pour la famille de l’infirmière disparue, pourrait constituer un véritable espoir de retrouver sa dépouille.

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“Je vous l’assure, c’est un faux positif”

Problème : ces données GPS ont été évacuées par les enquêteurs et par un expert dans un rapport daté du mois de mai 2021. Il s’agit selon ces (vrais) spécialistes de “faux positifs” que la science douteuse d’Alain Gand a essayé de transformer, dans un langage abscons, en une vérité non exploitée.

Au terme d’un salmigondis indigeste distillé par Alain Gand, les deux avocats généraux mettent fin à la farce et s’adressent au vrai-faux témoin : “Vous demandez aux jurés de condamner cet homme, désignant Cédric Jubillar dans son box, sur la base de cette plaisanterie ! Vous faites naître de faux espoirs chez les parties civiles. Est-ce que vous êtes humain ou incompétent ?”, fustigent Pierre Aurignac et Nicolas Ruff. La défense n’en demandait pas tant.

“Des zones d’ombre qu’il fallait éclaircir”

Le témoin avait été cité par l’avocat médiatique parisien, Mourad Battikh, absent à l’audience. Courageuse, sa collaboratrice s’explique : “Ces points constituaient des zones d’ombre qu’il fallait éclaircir”. Un peu plus tard, Patrick Lenfant, expert judiciaire en investigations numériques met fin à toute ambiguïté, à la barre, “il n’y a aucun doute, il s’agit d’un faux positif”. Ces données GPS ont été, selon lui, générées par d’autres récupérations de données issues de différentes applications (YouTube) et comportant “les mêmes fragments de chaîne”, d’où la confusion.
Pour résoudre le mystère du meurtre de Delphine Jubillar, la téléphonie en parle peut-être le mieux. Pas de corps, pas de scène de crime, pas d’aveux. En l’absence d’éléments de preuves irréfutables, c’est donc vers elle que se tournent les enquêteurs pour étudier l’activité numérique de Cédric Jubillar.

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Appareil hors tension

Dès le 6 janvier 2021, à Cagnac-les-Mines, lieu de résidence du couple, le téléphone Doogee S55 du peintre plaquiste est pris en charge par les experts de l’IRCGN. Ce jeudi 25 septembre, Bertrand Corre, expert et analyste criminel, apporte de précieux renseignements sur la façon dont Cédric Jubillar a utilisé son téléphone, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. “J’ai travaillé sur la copie de la mémoire du téléphone de M. Jubillar, c’est une sorte de photo de sa mémoire interne”. L’utilisation de ce téléphone est différente des autres jours. Il s’éteint une heure plus tôt que d’habitude. De 22h08 à 3h53, son appareil est “hors tension” et non en “mode avion” comme son propriétaire l’avait indiqué. À deux reprises, dans l’année 2020, ce téléphone est éteint durant la nuit.

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Appels frénétiques

Les traces réseaux fournies par l’opérateur Free Mobile ne permettent pas de signaler un déplacement. Dès le rallumage de son appareil, à 3h53, le 16 décembre 2020, Cédric Jubillar, qui constate l’absence de son épouse de la maison, lui passe quatre appels et lui envoie 2 SMS. Il appelle la gendarmerie (4h09), puis, l’expert note 184 appels et 4 SMS vers le téléphone de sa femme, entre 3h53 et 8h12. Des appels “frénétiques” qui intriguent. La ligne de son épouse passe définitivement sur répondeur à 7h48. Il appelle la gendarmerie à 7h49 pour le signaler.

L’accusation soupçonne le peintre plaquiste d’avoir multiplié les appels pour décharger volontairement la batterie. Selon les experts, certains appels ne dépassent pas 2 secondes et ne laissent même pas le temps au répondeur de s’enclencher. Par ailleurs, les applications Badoo (site de rencontres) KFC et Podomètre qui s’activent dès le rallumage de son appareil correspondent, en réalité, à des notifications. Contrairement à l’idée répandue, il n’y a pas de consultations de ces sites, affirment les “vrais” experts.

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