Alors que la saison fruitière 2025 touche à sa fin, la Moissagaise Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), dresse un bilan contrasté. Satisfaite de la récolte dans les vergers, elle pousse un cri d’alarme sur la situation économique et politique du secteur.
Quel regard portez-vous sur la saison fruitière 2025 en Tarn-et-Garonne ?
La saison n’est pas encore terminée. Il ne reste à ramasser principalement que des pommes et du kiwi. Hormis la cerise au printemps, qui a connu des soucis durant sa floraison avec des épisodes pluvieux qui tombaient mal, le reste des productions tarn-et-garonnaises a connu une très belle saison. Je pense en particulier à la prune, la pomme et le raisin. Il faut dire que l’été a été très bon en ensoleillement, chaleur, et que nous avons évité de gros coups de gelées tardives. En disant cela, je ne peux pas généraliser pour autant : certains secteurs du département, notamment autour de Montech et sur les vignes du Saint-Sardos, ont connu des orages violents avec de la grêle.
Une belle saison sur le plan agricole… mais qu’en est-il du marché ?
Si, d’un point de vue cultural, l’exercice 2025 laissera un bon souvenir aux arboriculteurs, on ne peut pas en dire autant d’un point de vue commercial. En cette fin septembre, les frigos sont pleins, les fruits ne se vendent pas bien.

Les producteurs sont sous pression. Qui est responsable de cette situation ?
Il vient clairement du système mis en place par nos gouvernements successifs. On nous demande d’avoir une agriculture exemplaire, avec des normes phytosanitaires très exigeantes, alors que nous importons des fruits de l’Union européenne et de pays à l’extérieur de l’UE à qui on n’impose pas les mêmes normes. Pendant ce temps-là, on ne peut que déplorer une diminution de 40 % du verger français depuis 2000.
Vous dénoncez une politique incohérente. Pourquoi ?
En France, on veut une agriculture d’excellence, une vitrine environnementale et technologique, mais cela coûte cher à produire. Et en même temps, pour permettre aux consommateurs de se nourrir à pas cher, on importe des produits étrangers qui ne sont pas soumis aux mêmes règles de production que nous imposons à nos arboriculteurs. On marche sur la tête ! Si on voulait tuer l’agriculture française, on ne s’y prendrait pas autrement.
L’agriculture fait-elle encore rêver les jeunes ?
Aujourd’hui, l’agriculture française fait face à une pyramide des âges très défavorable, à l’image des “boomers” qui partent à la retraite. Mais qui va vouloir devenir agriculteur dans un contexte très défavorable, où chaque mois on nous enlève une molécule dans les produits phytosanitaires, rendant à chaque fois un peu plus difficile la production ? On estime passer de 400 000 agriculteurs à 200 000 d’ici les dix prochaines années. Qui voudra se lancer dans notre profession alors que la concurrence des produits hors UE s’intensifie ? On vient d’apprendre qu’un accord de libre-échange a été signé en catimini à la mi-août avec la Moldavie pour faire rentrer des prunes, des cerises et du raisin bon marché. On s’étonne que nos frigos soient pleins ? Que les centrales aient du mal à écouler nos fruits face aux prix cassés des importations ? Franchement, l’État est en pleine schizophrénie : il dit vouloir soutenir notre production tout en la condamnant en signant des accords de libre-échange comme avec le Mercosur.
Le coût du travail en France plombe-t-il aussi votre compétitivité ?
Bien sûr ! Prenez l’exemple du raisin français qui a du mal à se vendre face à l’italien : dans l’Italie du Sud, des bateaux de travailleurs albanais arrivent chaque été pour la saison du raisin et ne sont pas déclarés. Ils sont payés 3 à 4 euros de l’heure, quand chez nous on paye un salaire horaire chargé à 15 €. Pas étonnant que notre Chasselas ne se vende pas à 3 €/kg, alors que le raisin Italia arrive chez nous à 90 centimes le kilo.
Vous parlez d’injustice. Un exemple qui résume ce déséquilibre ?
Un exemple dit tout du problème français : l’acétamipride. Interdit en agriculture en France depuis 2018 pour protéger les abeilles et autres pollinisateurs, l’acétamipride, un insecticide, n’a jamais pu être remplacé par d’autres produits. C’est interdit chez nous, alors que dans les 26 autres pays de l’UE cet insecticide reste autorisé. J’ai du mal à comprendre : cela veut-il dire que nos voisins se fichent de la santé de leur population et de l’environnement s’ils continuent à l’accepter ? Je ne le pense pas. Nous sommes juste victimes en France d’un Parlement qui vote les lois en étant totalement hors-sol, loin de la réalité de nos producteurs. On ne traite pas nos vergers par plaisir, on le fait par nécessité de production. Les dosages sont toujours faits au plus juste, car nous sommes des gens responsables face aux enjeux environnementaux, et parce que ces produits coûtent cher. En attendant, on continue d’importer de chez nos voisins ces produits traités à l’acétamipride. Si on juge qu’il y a un danger avec ce produit, alors arrêtons de faire rentrer ces fruits sur nos étals. 60 % des fruits vendus en France sont importés. On nous parle d’une ambition de souveraineté alimentaire, mais c’est faux ! L’État vise simplement l’autonomie alimentaire avec l’UE.