Joyau du XIVe siècle, le château de Novital est parti en fumée dans la soirée de samedi à Saint-Jory. Pour les habitants du coin, c’était “le château du Colonel”, un authentique héros de la Première Guerre mondiale et une figure de la communauté assyrienne.
“Tout est dévasté…”. Malgré le crachin matinal, les pompiers demeurent vigilants. Les décombres fumants du château de Novital témoignent de la violence de l’incendie qui l’a embrasé samedi soir, vers 19 heures. “Lorsque l’on est arrivé sur place, la toiture était totalement enflammée”, témoigne l’un des soldats du feu.
Terrain de jeu des amateurs d’Urbex
Des tuiles brisées jonchent le sol, comme un tapis de fakir. Chaussures de sécurité obligatoires. L’un après l’autre, les planchers ont cédé sous le poids du toit, emporté par la fournaise qui s’est emparé de ce manoir de 400 m² inhabité depuis de longues années et régulièrement squatté. “Il servait aussi de terrain de jeu aux amateurs d’Urbex”, cette pratique visant à explorer des lieux abandonnés.
La pluie a rafraîchi l’ambiance. Le thermomètre affiche 14 °C ce dimanche matin, à Saint-Jory (Haute-Garonne), près de Toulouse. “Ça nous aide bien à éviter toute reprise de feu”, souffle l’un des 25 sapeurs-pompiers du Sdis 31 à avoir maîtrisé le sinistre. Il passe une tête par un encadrement de porte ruiné. La chaleur émane encore des murs et du sol. La demeure livre impudiquement ses entrailles fumantes. Des flammèches papillonnent au gré du vent.
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De la splendeur passée du château ne subsistent que quatre murs et un tas de cendres. “Il a appartenu à un haut gradé de l’armée assyrienne, qui l’avait acheté dans les années 1920”, confie le maire de Saint-Jory, Victor Denouvion, venu constater les dégâts cette nuit. Dans l’imaginaire local, c’était “le château du Colonel”. “Il est resté dans cette famille jusqu’à aujourd’hui, mais comme il y a beaucoup d’héritiers, il demeurait inoccupé”, explique l’élu.
Le GIGN venait s’y entraîner
La hauteur des flammes, l’intensité du brasier, le bleu des gyrophares déchirant la nuit, ont attiré les curieux, chemin de Ladoux. “À 5 heures du matin, j’ai dû demander à des jeunes de quitter les lieux : ils voulaient faire des images pour les réseaux”, soupire l’une des vigies au casque argenté.

La demeure était dépourvue d’électricité. Comment le feu est-il parti ? C’est ce que s’attachera à déterminer l’enquête des forces de l’ordre. Le château était d’ailleurs bien connu des militaires pour une raison assez insolite : “Les propriétaires l’avaient mis récemment à la disposition du GIGN pour qu’ils s’entraînent sur place”, révèle un pompier, en fin connaisseur du secteur.
Un héros de la Première Guerre mondiale l’achète en 1929
Des propos confirmés par le maire de Saint-Jory. “Cela permettait qu’il y ait du passage et une présence. Ça ne rassurait pas les propriétaires que le château soit régulièrement squatté”, suggère Victor Denouvion. Des tags bombés sur les murs des dépendances ou dans les pièces principales du manoir, témoignent de cette occupation illégale.

Héros de la première Guerre mondiale, figure du peuple assyrien – “les premiers chrétiens d’Irak” – Agha Petros avait acquis le château de Novital “en 1929 avant de mourir en 1932”, selon l’un de ses petits-fils. Âgé de 62 ans, Jean-Louis Rigal est l’un des 13 héritiers. Il se dit “très affecté” par les événements de la nuit.
“Gamin, je passais tous les étés au château”
“C’était un joyau, c’est catastrophique. J’ai dormi dedans lors de mon premier divorce. Quand j’étais gamin, j’habitais Toulouse. C’étaient les années 70. Ma tante nous accueillait tous les étés au château. C’étaient les plus belles vacances de notre vie. On se baignait dans L’Hers, on pêchait à la main, on chassait avec des frondes. C’était fabuleux”, se remémore-t-il.

Quatre chambres en haut, trois en bas, des lits installés dans les dépendances… La fière demeure des Capitouls (lire par ailleurs) avait plus ou moins résisté jusque-là aux outrages du temps. Des projets de rachat par la commune de Saint-Jory ont achoppé, ces dernières années. “Il y a même eu l’idée de transformer le château en résidence pour personnes âgées”. Le voilà désormais au sol. Un genou à terre. Quelqu’un saura-t-il le relever pour lui rendre son faste d’antan ?
Une origine qui remonte aux Capitouls
“En ce week-end des Journées du Patrimoine, l’incendie qui a frappé le château de Novital nous rappelle combien notre patrimoine est fragile”, soupire le maire de Saint-Jory qui adresse “une pensée [aux] propriétaires” de cette demeure née sous les Capitouls.
“Les premiers propriétaires étaient de riches marchands installés rue Croix-Baragnon, à Toulouse, la famille Ramon-Racaud. C’était en 1360”, éclaire Patrick Mouynet, un spécialiste de l’histoire locale. Le château passe de mains en mains des Puybusque aux Delherm, en 1739, derniers seigneurs de Saint-Jory. Novital, qui était alors une commune, disparaît à la Révolution, absorbée par Saint-Jory et Lespinasse. Jusqu’à ce que le château soit acquis par la famille assyrienne, à la fin des années 20.