Des Américains rendent hommage au militant d’extrême droite assassiné, le 10 septembre 2025. ROSS D. FRANKLIN/AP/SIPA
De figure du trumpisme au « martyr de la vérité et de la liberté »… Le podcasteur conservateur Charlie Kirk, porte-drapeau de la jeunesse pro-Trump, âgé de 31 ans, a été tué mercredi 10 septembre d’une balle dans le cou alors qu’il participait à une réunion devant environ 3 000 personnes sur le thème du « come-back » américain. Les motivations du tueur restent pour l’heure inconnues.
Pro-Trump, misogyne, pro-armes et pro-Netanyahou… Qui était ce jeune militant conservateur qui avait accès au bureau Ovale du président Donald Trump ?
Père fan de Trump et débuts sur Breitbart
Charlie Kirk, de son vrai nom Charles James Kirk, est, selon sa page Wikipédia (qui se développe considérablement depuis quelques heures), né le 14 octobre 1993 à Arlington Heights, un « village » huppé de la banlieue de Chicago (Illinois), d’un père architecte (chef de projet pour la Trump Tower, selon le militant conservateur) et d’une mère ex-employée du Chicago Mercantile Exchange, l’un des deux principaux marchés à terme américains, avant de se reconvertir en conseillère en santé mentale.
« Mon père disait toujours des choses très positives à propos de Trump », avait-il confié à « Newsweek » en 2019. « Il disait qu’il travaillait toujours dur, qu’il avait le souci du détail et qu’il était persévérant. »
Membre des Boy Scouts of America dont il a atteint le grade le plus élevé, l’influenceur ultraconservateur fréquente la Wheeling High School, un lycée public de la commune de Wheeling dans l’Illinois. Selon la journaliste Kyle Spencer, qui a analysé la poussée des mouvements conservateurs tournés vers la jeunesse et étudié le mouvement de jeunesse de Kirk, ses camarades de classe le décrivent alors comme quelqu’un de « méchant, arrogant et atteint d’un complexe de supériorité » et qui « appelait les enseignants avec qui il était en désaccord des néomarxistes postmodernes ».
En 2010, il participe à la campagne sénatoriale (victorieuse) du républicain de l’Illinois Mark Kirk (avec qui il n’a aucun lien de parenté), alors qu’il est encore au lycée. Il écrit ensuite plusieurs articles, notamment pour le site d’extrême droite et complotiste Breitbart. Il s’inscrit en 2012 au Harper Community College dans l’Illinois, mais abandonne la même année pour se consacrer à plein temps à la politique.
Le basculement « Turning Point USA »
La même année, à l’âge de 18 ans, Charlie Kirk cofonde avec un quasi-octogénaire conservateur, Bill Montgomery, un mouvement de jeunesse : « Turning Point USA », dont la mission est d’« identifier, éduquer, former et organiser les étudiants à promouvoir la responsabilité budgétaire, les marchés libres et un gouvernement limité ». En une décennie, l’association est devenue le groupe le plus important de jeunes conservateurs aux Etats-Unis. Selon le « New York Times », Kirk a progressivement transformé l’organisation en une « opération médiatique très bien financée, soutenue par des mégadonateurs conservateurs ».
Elle comprend une armée de militants enthousiastes, dont certains avaient été envoyés en bus à Washington à la manifestation du 6 janvier 2021 qui avait débouché sur l’invasion du Capitole.
Charlie Kirk en est le PDG, ce qui lui assure une rente très confortable. Avec ses 6,9 millions d’abonnés sur Instagram et 3,8 millions sur YouTube, son influence a largement servi Donald Trump dès sa campagne de 2016 pour séduire les jeunes hommes américains.
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Son éloquence lui a permis de devenir un commentateur régulier sur la chaîne conservatrice Fox News, selon TF1, puis de tenir un podcast quotidien, l’un des plus écoutés du pays. Très proche du président républicain, il avait servi d’assistant personnel à Donald Trump Jr. et a régulièrement été invité à la Maison-Blanche, selon France 24.
Preuve de cette proximité, le président américain a ordonné la mise en berne des drapeaux américains en hommage à celui qui avait été un rouage important de sa dernière campagne présidentielle.
Misogyne, évangéliste, anti-IVG…
« Je veux être bien clair, il s’agit d’un assassinat politique », a souligné sans prendre de pincettes le gouverneur républicain de l’Utah Spencer Cox lors d’une conférence de presse dès mercredi, avant même que le suspect ait été arrêté.
S’il est bien sûr impossible d’être aussi affirmatif, il est sans doute vrai que Charlie Kirk ne s’était pas fait que des amis avec ses prises de position médiatiques radicales… sur presque tous les sujets. Chrétien évangéliste, décrit par le « Washington Post » comme « l’une des voix les plus éminentes de la droite » ces dernières années, il s’était ainsi récemment fait remarquer en s’exprimant sur les fiançailles de Taylor Swift, qui avait soutenu Kamala Harris lors de la récente présidentielle américaine.
Dans son émission sur « Real America’s Voice », le militant politique Charlie Kirk avait adressé des « félicitations » sarcastiques, tout en espérant que ces fiançailles rendraient Taylor Swift « moins radicale » et la rapprocherait du parti conservateur. Et de lancer : « Rejetez le féminisme. Soumettez-vous à votre mari, Taylor. Ce n’est plus vous qui décidez. »
Lors d’un rassemblement en octobre au Nevada, il avait martelé pêle-mêle, selon BFMTV, sa volonté d’« éradiquer tous les avortements » car l’IVG « est l’Holocauste de notre époque », affirmait que l’administration Biden avait créé « l’équivalent d’Expedia [une agence de voyages, NDLR] pour les clandestins » ou encore que « la résistance face à la tyrannie peut avoir une dimension biblique ». Friand de joutes oratoires avec les étudiants, Charlie Kirk participait à un événement en plein air sur le campus de l’Utah Valley University, lorsqu’il a été abattu.
Charlie Kirk était marié et père de deux enfants, une fille et un fils. Sa famille était présente lors de la réunion publique qui lui a coûté la vie. Sa femme, Erika Frantzve, podcasteuse et femme d’affaires, avait remporté le concours Miss Arizona USA en 2012. Elle a créé une marque de mode chrétienne, initié le projet biblique « Bible in 365 » et animé un podcast où elle abordait foi, politique et développement personnel, liste « 20 Minutes » suisse.
Pro-armes, climatosceptique, complotiste…
En ligne, Charlie Kirk avait alimenté la désinformation sur l’élection de 2020, soi-disant « volée », sur le Covid-19 (et les vaccins) ou même le mouvement des « gilets jaunes » en France. En 2018, il avait ainsi faussement affirmé que certains manifestants scandaient « Nous voulons Trump » lors de leurs rassemblements, rapporte BFMTV, ce que le président américain avait fini par relayer.
De manière tristement ironique, le militant pro-Trump était aussi un fervent défenseur des armes à feu et du second amendement. Il avait ainsi déclaré, lors d’un événement à Salt Lake City en 2023, que les décès par arme à feu étaient en quelque sorte un mal nécessaire, selon Radio-Canada :
« Je pense que cela vaut la peine de payer le prix de quelques décès par arme à feu chaque année, malheureusement, afin que nous puissions avoir le deuxième amendement pour protéger nos autres droits donnés par Dieu. »
Il est également décrit comme climatosceptique (assurant par exemple qu’aucune prédiction des scientifiques ne s’était vérifiée…), en faveur des énergies fossiles, et, évidemment, opposés aux droits des LGBTQ+… Il avait ainsi, comme le rappelle l’association Stop Homophobie, qualifié, en 2024, le fait d’être gay d’« erreur », comparant l’homosexualité à une addiction et citant un verset du Lévitique prônant la lapidation des personnes homosexuelles.
Quelques secondes avant d’être pris pour cible, il répondait à la question d’un étudiant en alimentant le dernier délire des trumpistes, le « transterrorisme », terme apparu après la fusillade de Minneapolis fin août, car l’assaillante était une jeune femme née homme.
« Savez-vous combien d’Américains transgenres ont été auteurs de fusillades de masse au cours des dix dernières années ? », lui a ainsi demandé l’étudiant. Et Kirk a répondu : « Trop. »
Raciste et pro-israélien (jusqu’à recevoir un hommage de Netanyahou)
Charlie Kirk avait aussi suscité l’indignation lors de sa tournée « Exposing Critical Racism » en 2021, lorsqu’il avait déclaré devant une foule à Mankato, dans le Minnesota, que George Floyd, un Afro-Américain tué par un policier lors de son arrestation en mai 2020, « était un salaud… indigne de toute attention ». Il avait aussi affirmé que l’autopsie de Floyd avait conclu qu’il était mort d’une overdose, mensonge déconstruit par l’AFP.
Il avait également qualifié le privilège blanc de « mythe », qualifié le Civil Rights Act de 1964, mettant fin à toutes formes de ségrégations, d’« énorme erreur » et critiqué Martin Luther King, relève le « Guardian »…
La mort de Charlie Kirk a suscité une vive émotion en Israël, où il est décrit comme un « fervent soutien ». Le « Times of Israël » relaye ainsi dans sa version francophone les hommages de nombreux dirigeants israéliens et militants juifs, « dont certains avaient noué des relations avec Charlie Kirk grâce à son activisme pro-israélien ». A commencer par le premier d’entre eux, le Premier ministre Benyamin Netanyahou : « Charlie Kirk a été assassiné pour avoir dit la vérité et défendu la liberté. Ami courageux d’Israël, il a combattu les mensonges et s’est battu pour la civilisation judéo-chrétienne », a déclaré le Premier ministre israélien. L’ancien ambassadeur d’Israël aux Nations unies Gilad Erdan lui a également rendu hommage, dénonçant « une attaque directe contre la liberté d’expression, la démocratie et les valeurs auxquelles Charlie avait consacré sa vie ».
Des extraits de podcasts ou de prises de parole publiques, diffusés sur les réseaux sociaux, le montrent défendre avec virulence l’action de l’armée israélienne à Gaza, rejetant la responsabilité des morts civils sur le seul Hamas et dénonçant, selon lui, la « campagne de propagande » sur la famine à Gaza.