Après un bombardement russe de grande ampleur en Ukraine, Donald Trump s’est dit favorable à de nouvelles sanctions contre la Russie. Un plan érigé par la France et l’Allemagne envisage de cibler les ventes de pétrole russe. Ces mesures peuvent-elles être décisives ?
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a conduit les pays occidentaux à imposer à Moscou un ensemble de sanctions. Trois ans plus tard, un 19e paquet de “punitions” se profile pour le pays le plus sanctionné du monde.
En effet, l’Union européenne et les États-Unis s’apprêtent à durcir le ton après une attaque aérienne d’une ampleur sans précédent contre l’Ukraine qui a touché pour la première fois le siège du gouvernement.
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“La Russie sait encaisser ces sanctions”
Afin de saper le financement de l’effort de guerre russe, Donald Trump a menacé de s’en prendre aux pays qui achètent des hydrocarbures à la Russie. Son émissaire pour les sanctions, David O’Sullivan, était à Washington ce lundi jusqu’à mardi pour peaufiner les mesures punitives contre le pays envahisseur. “Si les États-Unis et l’UE peuvent se mettre d’accord sur davantage de sanctions, sur des droits de douane sur les pays qui achètent le pétrole russe, l’économie russe va s’effondrer. Et cela va mener le président Poutine à la table des négociations”, a déclaré le Secrétaire du Trésor, Scott Bessent.
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Pour Jean Radvanyi, professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales au sein du Centre de Recherches Europes-Eurasie, les sanctions ont beau porter un coup réel à l’industrie russe, elles ne suffiront pas à briser leur économie. “La Russie s’y était préparée depuis longtemps. Elle sait encaisser et contourner ces mesures.”
Des sanctions qui dopent l’économie russe ?
Les sanctions promulguées à l’encontre de la Russie depuis février 2022 ont un effet limité de la “stratégie de contournement” mise en place à Moscou. Les importations russes ont connu une baisse de 16 % quand les 27 ont décidé de serrer la vis. Pour autant, un tiers des produits sanctionnés par l’UE ont été entièrement compensés par d’autres fournisseurs, la Chine en premier plan, écrivait The Conversation en avril 2025. “Moscou a des clients et des alliés ailleurs : la Chine, l’Inde, la Corée du Nord et bien d’autres. Quand nos gouvernements parlent d”isolement’, c’est un mirage, observe Jean Radvanyi. Les sanctions européennes ne suffisent pas à couper la Russie de l’économie mondiale.”
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Par ailleurs, là où les sanctions internationales fragilisent certains secteurs, elles stimulent d’autres activités. “Les secteurs industriels de défense russe ont été relancés sous l’effet de cette économie contrainte”, poursuit le géopolitologue.
Les Occidentaux ont en outre accéléré la mise en place d’un système financier parallèle en coupant la Russie du système SWIFT, le réseau de communication financière. Moscou travaille main dans la main avec Pékin, New Delhi ou encore Pyongyang, mettant sur pied une alternative au système dominé par le dollar et l’euro. “Certes, le dollar reste aujourd’hui une monnaie ultra-puissante, mais l’hégémonie américaine n’est plus incontestée. Au lieu de fragiliser Moscou, on fragilise la domination financière occidentale”, déplore Jean Radvanyi.
Le 19e volet, des mesures stériles ?
Face à une telle résilience et des capacités d’adaptation inattendues, le 19e train de sanctions n’est-il pas vain ? Le nouveau plan préparé par la France et l’Allemagne envisagent des approches pénalisantes inédites, essentiellement destinées à réduire la manne pétrolière dont bénéficie la Russie.
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Ce document préconise aussi de cibler davantage les mécanismes financiers utilisés par la Russie pour contourner les sanctions occidentales. Mais face à la forteresse budgétaire que s’est maintenant érigée le Kremlin, difficile de ne pas y voir un volet stérile. Kaja Kallas disait déjà du 18e train de sanctions entré en vigueur à la mi-juillet qu’il s’agissait du plus “sévère à l’encontre de la Russie à ce jour”. Au sujet des potentielles mesures du nouveau plan occidental, Jean Radvanyi reste pessimiste : “Oui, elles affaibliront certains secteurs ; mais elles ne feront pas plier la Russie. Au contraire, elles l’obligent à s’organiser autrement et à renforcer ses partenariats avec la moitié de l’économie mondiale. On ne peut pas arrêter une guerre de cette façon.”