Des Palestiniens transportent des sacs d’aide humanitaire, dans le nord de la bande de Gaza, le 20 juillet 2025. JEHAD ALSHRAFI/AP/SIPA
« Est-ce que j’emporte un blessé pour le sauver ? Ou un sac de farine pour sauver ma famille ? » : c’est la question que s’est posée le gazaoui Qassem Abou Khater, 36 ans, quand il s’est retrouvé au milieu de tirs israéliens pendant une distribution d’aide alimentaire. En effet, encore une fois ce dimanche, l’armée de l’Etat hébreu a tiré sur des Palestiniens qui tentaient de récupérer des vivres dans le petit territoire. Dans le même temps, l’armée israélienne a appelé la population à évacuer le centre de la bande de Gaza. Un « nouveau coup terrible » pour l’aide, a estimé le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). « Le Nouvel Obs » fait le point sur la situation.
• Israël a visé « d’immenses foules de civils affamés »
« Des milliers de personnes désespérées étaient rassemblées pour obtenir de la farine », continue Qassem Abou Khater, qui s’était donc rendu à une distribution d’aide dimanche. « Les chars (israéliens) tiraient de manière aléatoire sur nous », dit cet homme de 36 ans qui affirme avoir vu « des dizaines de personnes » mourir devant lui.
93 personnes ont ainsi été tuées et des dizaines ont été blessées dimanche à la suite de « tirs de l’occupation (Israël, NDLR) sur des personnes attendant de l’aide » en différents points du territoire, d’après la Défense civile à l’AFP. Selon lui, 80 personnes ont notamment péri dans la zone de Zikim, au nord-ouest de la ville de Gaza (nord).
Des Palestiniens à un point de distribution de nourriture dans la ville de Gaza, le 20 juillet 2025. MAJDI FATHI / NURPHOTO VIA AFP
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a lui déclaré qu’un de ses convois transportant de l’aide alimentaire était entré dimanche matin dans la bande de Gaza et avait rencontré, dans le secteur de Zikim, « d’immenses foules de civils affamés qui ont essuyé des tirs ». Le PAM a jugé « totalement inacceptable » toute violence contre ces civils.
Sollicitée par l’AFP, l’armée israélienne a elle évoqué des « tirs de sommation pour écarter une menace immédiate qui pesait sur elle », face à un regroupement de « milliers » de personnes. Elle a démenti le bilan de la Défense civile. Celle-ci a fait état de 23 autres morts dans des bombardements dans le territoire palestinien.
• Trois enfants morts de « la faim » en une semaine
Dans le nord de la bande de Gaza, Ziad Mousleh, 45 ans, a lui expliqué à l’AFP ne plus trouver de quoi nourrir ses enfants. « Nous sommes en train de mourir, nos enfants sont en train de mourir, et nous ne pouvons rien faire, dit-il à Nousseirat, dans le centre du territoire. Nos enfants pleurent et crient pour avoir à manger. Ils s’endorment affamés »
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La Défense civile a ainsi constaté une augmentation du nombre de décès de nourrissons causés par « la faim et la malnutrition sévère », signalant au moins trois décès d’enfants la semaine dernière. « Ces cas déchirants ne sont pas dus à des bombardements directs, mais à la famine », a déclaré à l’AFP le porte-parole de cette organisation, Mahmoud Bassal.
La malnutrition atteint des niveaux alarmants dans la bande de Gaza en guerre, touchant surtout les enfants, a aussi alerté dimanche l’ONU qui déplore l’entrée au compte-goutte de l’aide humanitaire dans le territoire palestinien assiégé. L’épuisement des stocks a également provoqué une flambée des prix du peu de nourriture disponible sur les marchés de Gaza.
En visite début juillet à Gaza, le directeur du PAM, Carl Skau, parle lui de « la pire situation » qu’il ait jamais connue. « Un père que j’ai rencontré avait perdu 25 kg en deux mois. Les gens meurent de faim alors que nous avons de la nourriture juste de l’autre côté de la frontière », a-t-il ajouté dans un communiqué.
Des Palestiniens attendent devant un point de distribution de nourriture, au centre de la bande de Gaza, le 20 avril 2025. BELAL ABU AMER APAIMAGE/SIPA
• Une évacuation vers le sud, « un nouveau coup terrible »
Dans ce contexte, « ils nous ont lancé des tracts, et nous ne savons pas où nous allons », a déclaré à l’AFP un homme, Adi Abou Qinnas. L’armée israélienne a en effet annoncé étendre ses opérations dimanche. Le pays « étend ses activités » autour de Deir al-Balah, « y compris dans une zone où elle n’avait encore jamais opéré », a dit un porte-parole de l’armée israélienne.
Des familles entières ont été vues transportant quelques affaires, ou entassées sur des charrettes tirées par des ânes, se dirigeant en direction du sud. En près de 22 mois de guerre, la majorité des plus de deux millions de Palestiniens de la bande de Gaza ont été déplacés au moins une fois.
En Israël, les familles des otages retenus à Gaza se sont inquiétées des conséquences de l’expansion de l’offensive, une association de proches appelant les autorités israéliennes à « expliquer de toute urgence aux citoyens et aux familles le plan de combat et comment celui-ci protège les otages ».
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Cet ordre « a porté un nouveau coup terrible aux lignes de vie déjà fragiles qui maintiennent les gens en vie dans la bande de Gaza », a déploré dans un communiqué le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Selon ce bureau, 80 % du territoire palestinien ravagé et affamé par la guerre est couvert par des ordres d’évacuation israéliens toujours en vigueur.