Cette photo non-datée de Donald Trump entouré de jeunes femmes a été révélée par les démocrates le 12 décembre. HANDOUT / AFP
Grosse déception. Alors que le ministère américain de la Justice a commencé, dans la nuit de vendredi 19 à samedi 20 décembre, à rendre public, sous la contrainte (et après des mois d’opposition de Donald Trump à la diffusion de ce dossier), des milliers de documents issus de l’enquête sur le criminel sexuel Jeffrey Epstein, leur publication, très attendue, laisse les médias américains sur leur faim.
Ces publications doivent contribuer à faire la lumière sur les relations de l’influent et richissime financier, mort en prison à l’été 2019, avec les milieux des affaires, du spectacle, de la politique et aussi avec la justice. Une loi adoptée par le Congrès en novembre imposait au gouvernement américain de publier l’intégralité des documents non classifiés en sa possession d’ici au 19 décembre. Mais le processus prendra plusieurs semaines, a indiqué Todd Blanche, le numéro deux du ministère de la Justice.
Documents judiciaires, enregistrements d’interrogatoires ou encore itinéraires de vol… au total, ce sont 2,8 gigabytes de fichiers qui ont été mis en ligne à ce stade. Problème : les documents sont incomplets et largement caviardés…
Que contiennent ces documents ? « Le Nouvel Obs » fait le point.
3 965 fichiers PDF et documents judiciaires
Quelque 3,965 fichiers ont été mis en ligne sur le site du ministère de la Justice américain, répartis en quatre bases de données. La plupart des fichiers publiés sont des PDF contenant des photographies.
Figurent également des documents judiciaires liés au procès de l’ancienne compagne de Jeffrey Epstein Ghislaine Maxwell, seule personne à avoir été condamnée dans cette affaire, et des vidéos de la cellule de Jeffrey Epstein le jour de son suicide en 2019, survenu avant son procès pour trafic de mineurs.
On trouve aussi une plainte déposée auprès du FBI en 1996 par une femme ayant travaillé pour Jeffrey Epstein, qui dénonçait son intérêt pour la « pornographie enfantine ».
Dossiers incomplets
Problème : les documents sont incomplets. Le ministère n’a publié qu’une partie des fichiers, ce qui a suscité la colère du chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer. Il a rappelé que la loi imposait au gouvernement de publier « TOUS les documents » dès vendredi et l’a accusé de « tout faire pour cacher la vérité ».
« Ce n’est rien d’autre qu’une opération de camouflage pour protéger Donald Trump de son passé peu reluisant. »
L’élu républicain Thomas Massie, ancien allié de Donald Trump, a aussi critiqué la diffusion des documents par le ministère de la Justice, affirmant sur X que la ministre Pam Bondi et son numéro deux Todd Blanche avaient « grossièrement » omis de se « conformer à la loi » ordonnant la publication du dossier Epstein.
A l’origine de la loi contraignant à divulguer ce dossier, les élus démocrate Ro Khanna et républicain Thomas Massie ont regretté que le ministère n’ait « pas respecté » ce qui était requis.
Dans une vidéo sur X, Ro Khanna déplore aussi l’absence du projet d’acte d’accusation après l’arrestation de Jeffrey Epstein en 2019, qui, selon lui, met en cause « d’autres hommes riches et puissants ».
… et caviardés
et une grande partie du contenu des fichiers est de surcroît caviardée, comme par exemple un document intitulé « Masseuses » et contenant une liste de 254 noms, tous cachés. Officiellement : « pour protéger la victime ». Pire encore : les 119 pages d’un document judiciaire émanant d’un tribunal de New York, biffées sans explication.
Un autre document contient un annuaire dont seuls les noms sont visibles. Apparaissent celui des acteurs Alec Baldwin et Dustin Hoffman, de plusieurs membres de la famille Kennedy ou encore du milliardaire Rupert Murdoch.
Le nom de Donald Trump est également répertorié, encerclé à la main. Interrogé par la presse, avant un discours fleuve lors d’un meeting en Caroline du Nord (est), le président n’a fait aucun commentaire.
Une note manuscrite portant sur des « adresses e-mail importantes » fait aussi référence à Jean-Luc Brunel comme « scout » pour jeunes femmes. Cet agent français de mannequins avait été accusé de violences sexuelles par Virginia Giuffre, l’une des victimes du financier. Il avait lui aussi été retrouvé mort 25 ans plus tard dans sa cellule avant son procès.
Par ailleurs, certains visages apparaissant sur des photos et semblant appartenir à des jeunes femmes ont été dissimulés. Un fichier contenant des dizaines d’images biffées montre des personnes nues ou légèrement vêtues, tandis que sur d’autres photos se tiennent Jeffrey Epstein et ses compagnons, visages masqués, avec des armes à feu.
Des photos de Bill Clinton, Kevin Spacey, Michael Jackson…
L’ancien président démocrate Bill Clinton, déjà présent sur des images du dossier publiées précédemment, apparaît sur plusieurs photos. On le voit notamment dans un jacuzzi, aux côtés d’une personne cachée par un rectangle noir. Photo que la Maison Blanche s’est empressé de partager dès vendredi sur les réseaux sociaux : « Bill Clinton se détend, sans aucun souci. Il ne se doutait de rien… », a écrit sur X Steven Cheung, le directeur de la communication.
L’entourage de Donald Trump cherche à « se protéger de ce qui vient, ou de ce qu’ils tenteront de dissimuler à jamais », a répliqué le chef adjoint du cabinet de Bill Clinton, Angel Ureña, ajoutant que l’ex-dirigeant de 79 ans « ne savait rien et a rompu tout contact avec Epstein avant que ses crimes ne soient révélés ».
D’autres images montrent Jeffrey Epstein en compagnie de l’acteur Kevin Spacey, de Michael Jackson, du rockeur Mick Jagger, la chanteuse Diana Ross ou encore de l’ex-prince Andrew et de son ex-femme Sarah Ferguson.

