December 3, 2025

RETRO. "À Toulon, tu prenais des coups de genoux et de casque" : Henri Lefèvre, ancien 3e ligne du SU Agen, un homme de combats

l’essentiel
Le flanker revient sur un parcours riche, mouvementé parfois, mais toujours guidé par une volonté sans faille.

Rien ne prédestinait Henri Lefèvre, troisième ligne du SUA dans les années 90, à briller dans le monde ovale. Natif du Togo, arrivé en France vers l’âge de 5 ans, il évoque plutôt un concours de circonstances : « J’ai commencé le rugby à Cancon par hasard, sur les conseils d’un éducateur sportif. Je faisais du foot et il n’y avait pas vraiment de culture rugby dans la famille, à part un frère qui a joué à XIII. Après, j’ai été contacté par Agen et Bergerac. Si tout était fait pour que je parte à Bergerac, j’ai finalement opté pour le SUA où j’arrive en cadets. »

Lefèvre à l’attaque à Dax avec le soutien de Casadeï, Benazzi, Bouic et Tastet.
Lefèvre à l’attaque à Dax avec le soutien de Casadeï, Benazzi, Bouic et Tastet.
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Dans ce sport, Henri trouve ce qui sera le fil conducteur de sa carrière : le goût du contact et du combat. Une appétence qui l’aura servi mais qui aurait pu tout aussi bien lui coûter sa carrière : « Quand j’étais en équipe jeunes, je faisais de la boxe française à côté du rugby et à l’occasion d’un week-end de repos, je m’inscris à un gala où je dois combattre. Agen me dit que finalement je dois jouer contre Toulouse. Je ne vais pas à ce match contre le Stade. On m’a alors pris de haut. J’étais au plus mal, on me mettait la pression, on me disait que dans un grand club on ne fait pas ce qu’on veut. J’ai failli partir à Fumel rejoindre Philippe Maradènes, que je connaissais. »

« Si tu baisses le regard, tu as perdu »

C’est une figure du club, troisième ligne également, qui lui apportera une aide précieuse : « Christian Béguerie m’a dit : tu restes, je vais m’occuper de toi. Il m’a inculqué la vraie culture du rugby. Il m’a pris sous son aile, m’a fait bosser, m’a fait comprendre aussi qu’il fallait rester humble et ne pas s’écouter. J’ai souvenir d’une fois où j’avais une douleur et où je ne comptais pas jouer. Il m’a dit que j’allais serrer les dents et jouer. J’ai joué, j’ai eu mal… Mais cela te fait franchir des paliers. »

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Au goût du combat s’ajoute alors un mental à toute épreuve : « À l’époque, beaucoup de jeunes privilégiaient les sorties en boîte, les filles… Moi, j’étais en sélection et je ne sortais pas : j’ai été international UNSS, Fira, militaire et moins de 23 ans. Quand on se retrouve avec des Campan, Bouic, Dal Maso, Benazzi, Benetton… Pour gagner sa place, on se dit que ça ne va pas être simple. Il faut grappiller du temps de jeu. Si tu n’as pas le combat, on ne te respecte pas. Quand tu rentres sur le terrain, que tu es dans le tunnel, l’adversaire te regarde. Si tu baisses le regard, tu as perdu. Quand on allait à Toulon, qu’on jouait face à De Rougemont, Lopyy… Tu prenais des coups de genoux, des coups de casque… Il fallait y être. »

SUA, Valence-d’Agen et Marmande

Le guerrier s’impose et, malgré une saison d’exil à Valence-d’Agen suite à ce qu’il appelle un « problème de confiance », fait sa place au club où son style fait des ravages : « J’aimais bien le contact direct, la percussion, péter dans les mecs. J’étais aussi devenu un bon plaqueur. Et puis Christian Lanta arrive (NDLR : en 1998) et il cherche plutôt des joueurs d’évitement : je n’entre plus trop dans les plans. Je me retrouve à Marmande où je passe finalement de belles saisons avec notamment pas mal d’anciens Agenais : les frères Matéo, Bourdeilh, Grassi, Rodriguez… »

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Aujourd’hui dans le Marmandais, il conclut : « J’aime les valeurs de ce sport que le professionnalisme a un peu tué. Quand tu vas quelque part, que les gens te reconnaissent, ça fait toujours chaud au cœur. » Qu’il se rassure, les supporters agenais n’ont pas oublié le dévastateur flanker qu’il a été.

L’autre combat : contre le racisme

Les vertus chères à Henri Lefèvre se sont malheureusement avérées utiles autrement qu’avec un ballon dans les mains : « Le combat, ça m’a servi. Quand tu es jeune, timide, de couleur… Il y a parfois des petites blagues, un effet de groupe. Et puis, à l’extérieur… À l’occasion d’un match à Graulhet par exemple, à l’échauffement, dans le public on m’avait appelé « le Noir », on m’avait lancé des petits cailloux… Il faut alors rester dans son match… Cela aussi, ça m’a forgé. »

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