November 20, 2025

"Un quadrimoteur, ça en jette plus !" L’histoire secrète d’Air Sarko One et Carla One, les avions hors de prix du couple Sarkozy

l’essentiel
SÉRIE (4/7). L’Elysée a totalement renouvelé la flotte présidentielle durant le mandat de Nicolas Sarkozy. L’Airbus A330 est devenu le navire amiral du président de la République et a très vite été baptisé “Air Sarko One”. Visite en images.

Même si les présidents de la République changent, cet Airbus gardera toujours son (sur) nom de baptême : “Air Sarko One”. Car c’est bien Nicolas Sarkozy, en 2008, qui prend la décision de doter la flotte présidentielle d’un avion long-courrier digne de ce nom. Jusque-là, l’hôte de l’Élysée disposait de deux Airbus A319 dans leur version corporate jet (aménagement VIP) au très faible rayon d’action de 6 500 km acquis sous la présidence de Jacques Chirac. En pleine cohabitation avec la gauche plurielle, le président Chirac partage les appareils avec son Premier ministre. Les militaires de Villacoublay qui opèrent les avions les ont surnommés “Chirac” et “Jospin”.

“Un quadrimoteur, ça en jette plus !”

Même dotés de réservoirs supplémentaires pour allonger la distance franchissable, les petits Airbus étaient tout juste capables de traverser l’Atlantique jusqu’à New York. Au-delà, le président de la République devait faire des escales aux Açores pour se rendre aux Antilles, en Sibérie pour atteindre Tokyo ou au Cap-Vert pour se rendre en Amérique du Sud. Déjà contraint, le budget du ministère de la Défense qui gère la flotte élyséenne ne permettait pas l’achat d’un Airbus neuf pour remplacer les deux A319.

Après quelques recherches, c’est un Airbus A330 d’occasion qui est donc choisi notamment pour son rayon d’action de 12 000 km sans escale soit 14 heures de vol. Louis Gallois, alors président d’EADS (maison mère d’Airbus) avait conseillé à Nicolas Sarkozy d’opter plutôt pour un Airbus A340 : “Il a un plus large rayon d’action. Et puis, un quadrimoteur, ça en jette tout de suite plus” avait glissé le Montalbanais au président de la République. Jugé trop gourmand en kérosène et trop cher à l’achat, la piste est abandonnée.

La salle de réunion peut accueillir douze personnes.
La salle de réunion peut accueillir douze personnes.
AFP

Construit à Blagnac près de Toulouse par Airbus en 1998, l’A330 choisi avait déjà appartenu d’abord au loueur américain ILFC avant de voler sous les couleurs de la compagnie helvétique Swiss Air puis d’être opéré par Air Caraïbes à qui il a été finalement racheté. Ce biréacteur long-courrier était alors configuré en 324 sièges et devait subir un lourd chantier de réaménagement pour le transformer en avion VIP. Au total, l’achat et la reconfiguration auront coûté 259,5 millions d’euros soit 33,2 millions de plus que prévu selon un rapport de la Cour des comptes.

C’est Sabena Technics (ex Sogerma) à Bordeaux Mérignac qui a mené ce chantier qui a duré de longs mois. L’Airbus présidentiel est alors équipé d’une chambre avec lit double à l’avant de l’appareil (zone de l’avion où l’on ressent le moins les turbulences) avec un dressing et une douche. Suit dans la continuité un grand bureau-salon puis une salle de réunion pour douze personnes, un centre médical équipé d’une mini-salle d’opération ainsi qu’une salle de communication capable de transmettre des messages cryptés à tout moment.

Un bureau-salon permet au président de travailler à bord.
Un bureau-salon permet au président de travailler à bord.
DR

Au fond de l’avion, on trouve soixante sièges de classe Affaires pour accueillir invités et journalistes ainsi que douze sièges de classe Économie pour les services de protection des hautes personnalités. Le but est de transformer l’Airbus en Élysée volant permettant au président, à son cabinet et à ses ministres de travailler à 10 000 mètres d’altitude.

L’aménagement de l’Airbus présidentiel.
L’aménagement de l’Airbus présidentiel.
IDE

Côté sécurité, l’A330 tricolore embarque des leurres anti-missiles contre les attaques terroristes et un système de communication protégé a été installé par Thalès pour permettre au président de téléphoner et réaliser des visioconférences en toute sécurité. Côté esthétique, l’Airbus a inauguré la nouvelle livrée de la République française avec un bleu blanc rouge moderne qui remonte jusque sur la dérive de l’appareil

L’A330-200 arbore la nouvelle livrée moderne de la République française.
L’A330-200 arbore la nouvelle livrée moderne de la République française.
DR

Premier vol officiel pour le G20 à Séoul

C’est l’ETEC, une unité de l’armée de l’air, qui prend en charge le déplacement des membres du gouvernement et des personnalités au sein de l’ETEC “Alpha”. L’ETEC dépend du Commandement du transport aérien militaire (COTAM). Dès que le président de la République monte à bord d’un appareil de l’Armée de l’Air, l’avion prend immédiatement l’indicatif radio de “Cotam Unité”. Air Sarko One est stationné en permanence à la base militaire d’Évreux mais acheminé à Paris Orly pour l’embarquement.

Air Sarko One réalise son premier vol officiel le 11 novembre 2010 pour amener le président de la République au G20 qui se tient à Séoul. Dès l’entrée en service de l’avion présidentiel, l’Élysée et la direction générale de l’armement (DGA) qui a acheté l’avion ont dû démentir les rumeurs les plus folles.

Pas de baignoire à bord

“Non il n’y a pas de baignoire à bord pas plus que du cuir de Cordoue n’a été utilisé pour la sellerie” a réfuté un proche du dossier à l’époque. L’exécutif a aussi dû expliquer le coût d’exploitation du long-courrier. L’heure de vol de l’A330-200 coûte près de 20 000 euros, contre 11 600 pour l’ancien A319 mais Air Sarko One peut embarquer plus du double de passagers sur une distance bien plus longue, économisant de coûteux frais d’escale.

“Carla one”, la petite sœur de l’Airbus

Le Falcon 7X est un des meilleurs jets d’affaires de sa catégorie.
Le Falcon 7X est un des meilleurs jets d’affaires de sa catégorie.
DR

En 2008, Nicolas Sarkozy a aussi donné son feu vert à l’achat de deux autres jets gouvernementaux : deux Falcon 7X qui représentaient l’état de l’art en 2008 de l’aviation d’affaires française. Le premier a été livré en 2009, plus tôt que prévu car Vincent Bolloré a accepté de céder son créneau de livraison à l’Élysée, retardant de facto la livraison de son propre jet ! Immédiatement mis en service à l’ETEC, l’appareil, plus petit, a été affectueusement surnommé “Carla One” par les militaires. Ce Falcon 7X a lui aussi inauguré la nouvelle livrée présidentielle. Aujourd’hui, l’ETEC exploite quatre Falcon 7X.

Souvent, pour les déplacements courts (en France ou en Europe) ou jugés non sensibles, le président de la République utilise un Falcon plutôt que le gros Airbus A330. Ces petits jets peuvent aussi servir d’avion de délestage permettant de transporter une partie de la délégation (ministres, journalistes, conseillers) ou d’avion de secours. Dans ce cas-là, il sert à rapatrier le président en cas de panne ou d’incident technique sur l’Airbus.

ETEC : escadron de transport, d’entraînement et de calibration

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