November 19, 2025

Pêche de la daurade : le débat continue malgré l’interdiction des barrages

l’essentiel
Le 25 septembre dernier, le tribunal administratif de Montpellier a donné raison à l’association Sea Shepherd France qui l’avait saisi quant au non-respect de la réglementation en matière de pêche de la daurade pendant la “dévalaison”, c’est-à-dire la période actuelle. Si le problème des barrages en dur est définitivement réglé, celui des filets posé par les petits métiers dans les graus (jonctions mer-étangs) fait débat.

Michel Gleizes, pharmacien retraité qui vit à La Franqui-Leucate, est aux aguets. Inlassablement, ces dernières semaines, il inspecte les graus de Leucate, du Barcarès et de Port-La Nouvelle, prend des mesures et des photos.

“Chaque automne, au grau du port conchylicole de Leucate, un prélèvement illégal massif de daurades se déroule au vu de tous. Malgré la protection Natura 2000 et une réglementation européenne imposant de ne pas obstruer plus de 80 % du grau, des pêcheurs locaux installent des filets qui détournent l’esprit de la loi, rendant la voie migratoire pratiquement impraticable. Il y a deux ans, ces pratiques avaient été signalées aux élus et au tribunal administratif, entraînant une année de répit pour les daurades, qui avaient pu rejoindre la mer pour se reproduire”, rappelle ce Franquinois d’adoption.

Mais cette année, le “massacre” reprend : chaque matin, des centaines de kilos de poissons sont capturées au détriment de la biodiversité et de l’équilibre économique de la pêche maritime. Au-delà du non-respect flagrant de la loi, ces captures compromettent la reproduction hivernale des daurades et appauvrissent les ressources halieutiques pour toute l’année. Les conséquences relèvent désormais du pénal. Il est temps que la justice intervienne pour mettre un terme définitif à cette pratique destructrice et à la catastrophe écologique qu’elle entraîne”, assène-t-il dans ce qui s’apparente à une lettre ouverte.

Le règlement s’applique aussi aux filets

L’ONG Sea Shepherd France est, depuis des années, partie prenante dans le débat. Et cette fois encore, elle mobilise ses moyens pour que la décision rendue par le tribunal administratif le 22 septembre dernier soit respectée et ce, dit-elle, “sans volonté de stigmatiser qui que ce soit”. Bien que les freins à poissons “en dur” sont désormais bannis, la réglementation s’applique aussi aux filets. C’est pourquoi, sur la base des constatations effectuées, notamment par Michel Gleizes, Sea Shepherd regrette que “l’administration soit informée mais ne bouge pas” et l’association réclame “d’appliquer le jugement, de retirer les filets illégaux, et de sanctionner toute entrave à la migration des poissons”.

Me Marion Crecent, du barreau de Bordeaux, qui défend les intérêts de Sea Shepherd dans de nombreux dossiers dont celui des barrages à poissons, se désole “d’un refus d’application de la réglementation par les professionnels et, également, de l’immobilisme de l’État dans ce dossier “. Elle indique par ailleurs qu’au plan pénal un “complément aux plaintes précédentes a été déposé”. Selon elle, car c’est inscrit dans le marbre de la loi, aucun plan d’eau ne doit être obstrué de plus de deux tiers, tant pour permettre la circulation du vivant que celle des bateaux.

Une espèce “suivie” par les scientifiques mais pas suffisamment

Localement, chacun est conscient de l’importance économique de la saison automnale pour les pêcheurs de l’étang. La dévalaison des daurades en octobre novembre, et dans une moindre mesure l’avalaison du printemps (quand elles regagnent les étangs), sont des périodes cruciales pour leurs entreprises. Les professionnels sont formels : la ressource en daurades est très importante, voire record ces dernières années, et la nuisance des filets n’est pas démontrée. Les suivis de l’espèce ne sont guère éclairants en la matière pour l’instant.

“Que l’on nous laisse travailler comme nous l’avons toujours fait et en comprenant que nous ne sommes pas idiots. On ne se tire pas une balle dans le pied. La fin des barrages fixes à Leucate et au Barcarès a permis de mettre un terme au braconnage et aux incivilités. Ce problème réglé, on vient maintenant nous empêcher de travailler sous d’autres prétextes, comme si la situation n’était pas assez compliquée comme ça ! Nous sommes des gens raisonnables qui plaident pour la plupart pour une pêche raisonnée !”, s’irrite un Nouvellois. C’est la première fois, en effet, que la jonction du canal de Bages-Sigean au port de La Nouvelle est pointée du doigt.

Selon nos informations, aucune opération de contrôle n’a été effectuée depuis début octobre sur les installations “dénoncées” par l’association Sea Shepherd et ses relais locaux. Après le fort épisode froid et venteux de ces prochains jours, les poissons migrateurs auront rejoint la mer pour se reproduire, dans leurs quartiers d’hiver.

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