November 8, 2025

"Je n’ai pas perçu l’enthousiasme" : elle parcourt 4 818 km à vélo pour défendre le bien-manger local et en tire un constat "désagréable"

l’essentiel
Déterminée à défendre le bien-manger et les circuits courts, Christelle Record, éleveuse et épicière à Baulou, en Ariège, a enfourché son vélo pour un Tour de France de 4 818 kilomètres à la rencontre des commerces ruraux. Un voyage militant qui révèle autant d’espoir que de désillusions.

“J’ai été surprise, je m’attendais à davantage d’engagement pour le bien manger”, confie Christelle Record, ce jeudi 6 novembre 2025. De retour depuis quelques jours auprès de ses 40 vaches et de sa roulotte aménagée en épicerie, à Baulou (Ariège), l’éleveuse n’en reste pas moins fière.

Fière d’avoir concrétisé, en moins de deux mois, un projet qu’elle préparait depuis deux ans. Son objectif ? Parcourir à vélo plus de 4 000 kilomètres sur le tracé du Tour de France 1926, le plus long de l’histoire, à la rencontre de commerces ruraux pour promouvoir le bien-manger local.

Pendant près de deux mois, Christelle Record a parcouru 4 818 kilomètres à vélo, à la rencontre d’autres commerces ruraux pour promouvoir le bien-manger local.
Pendant près de deux mois, Christelle Record a parcouru 4 818 kilomètres à vélo, à la rencontre d’autres commerces ruraux pour promouvoir le bien-manger local.
DR – Raphael Kann

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Mission accomplie pour l’éleveuse, qui signe un périple de 4 818 kilomètres. Quant au mode de transport, la décision allait de soi. “Dans la démarche du circuit court, il y a cette idée de limiter son empreinte carbone et de favoriser le développement durable”, explique celle qui pédalait en moyenne 111 kilomètres par jour. Et puis, là encore, pas question de réserver des chambres d’hôtel à l’avance, elle savait qu’elle pourrait compter sur la solidarité des habitants.

“J’ai trouvé que c’était un signe fort”

Il y a notamment cette rencontre gravée dans sa mémoire : “Je descendais d’un col enneigé quand j’ai croisé un cycliste à qui j’ai demandé s’il connaissait un hôtel, raconte-t-elle. Le lendemain, je l’ai revu dans un magasin de producteurs et il m’a dit : ‘C’est vous que j’ai vue hier soir ! J’ai pensé à vous toute la soirée et j’ai regretté de ne pas vous avoir aidée à trouver un endroit où dormir.’ Il était soulagé de m’avoir revue, et j’ai trouvé que c’était un signe fort.”

C’est sous les applaudissements que l’éleveuse est revenue le 2 novembre 2025 de son Tour de France, chez elle, à Baulou (Ariège).
C’est sous les applaudissements que l’éleveuse est revenue le 2 novembre 2025 de son Tour de France, chez elle, à Baulou (Ariège).
DR – Raphael Kann

Comme tout périple, celui-ci a connu de beaux moments, des rencontres émouvantes, mais aussi quelques frayeurs, comme ce jour où elle s’est fait peur sur un pont interdit aux vélos, en Gironde. “Je n’avais pas trouvé la piste cyclable”. Sans compter les trois crevaisons sur la route…

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Si la mission principale est accomplie — l’agricultrice a rencontré près d’une soixantaine d’épiceries de proximité —, le constat demeure “désagréable”. “On ne prend pas encore assez conscience que l’alimentation et la santé sont liées, confie-t-elle. Je n’ai pas perçu l’enthousiasme de dire : ‘Faisons vivre l’économie locale !'”

Celle qui espérait échanger des pratiques, documenter des initiatives, s’est finalement sentie davantage spectatrice. “Je pensais qu’on aurait pu aborder un peu plus le fonctionnement d’une épicerie. Quand j’en voyais à moitié vides, je disais aux gérants : ‘Vous ne pourriez pas mettre un peu plus de stock ?’ Mais ils me répondaient que c’était trop cher. Alors si je leur disais combien j’en avais, ils ne m’auraient pas crue…”

Mission accomplie pour Christelle Record, qui signe un périple de 4 818 kilomètres.
Mission accomplie pour Christelle Record, qui signe un périple de 4 818 kilomètres.
DR – Raphael Kann

“Là-bas, tout le monde porte l’agriculture”

Dans sa roulotte installée dans un champ, au bord de la D117, à Baulou, elle propose en circuit court des produits paysans et artisanaux pour un stock évalué à 72 000 euros. “La majorité des stocks que j’ai vus ne dépassaient pas 12 000 euros. J’aurais aimé approfondir avec eux pour leur prouver que ça peut fonctionner !”

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Récompensée en 2024 du titre de “Meilleure épicerie fine de France”, l’éleveuse s’attache à faire découvrir de nouvelles saveurs tout en restant fidèle à ses producteurs. Son véritable point fort ? “Il y a toujours du stock.” Accueil, qualité, régularité, service et âme du lieu : voilà la recette de Christelle, qui espère malgré tout avoir semé quelques graines sur son passage.

Seule exception : le Pays Basque. “Là-bas, tout le monde porte l’agriculture. Quand tu traverses les routes ou les ronds-points, tu vois des sculptures d’animaux, des magasins locaux, du fromage à vendre partout”, se réjouit-elle. Un constat mitigé dans l’ensemble, certes, mais une aventure humaine qui l’aura au moins convaincu de dégager un peu de temps pour elle.

L’éleveuse, qui n’a en effet jamais pris de congé, compte bien s’accorder deux jours de repos de temps à autre. “Même si pendant le tour mes salariés m’ont appelée une quinzaine de fois par jour, dit-elle avec un sourire, ils ont pris plein d’initiatives, et je me dis que l’épicerie peut très bien continuer sans moi !”

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