November 7, 2025

"On s’est fait arnaquer" : cette collectivité devra débourser un million d’euros pour un projet fantôme

l’essentiel
Jamais la cité de la mode n’a vu le jour, pourtant l’ardoise pour cette communauté de communes du Lot va se chiffrer à un million d’euros, au bas mot. Qui est responsable ? La collectivité a-t-elle manqué de rigueur ou de vigilance ? Le dossier a fait débat en séance.

Lundi soir, le dossier de la Cité de la Mode a fait son grand retour en séance du conseil communautaire. Réunis au palais des congrès de Souillac, les élus de Cauvaldor ont eu à approuver la vente d’une des 9 maisons, initialement achetées pour ce projet lancé en 2018-2019 qui devait se concrétiser trois ou quatre ans plus tard, sous la forme d’un pôle de la mode et des arts créatifs auquel devait s’adosser un espace boutiques.

Ce projet de Cité de la mode semblait pharaonique, était il juste fumeux ?
Ce projet de Cité de la mode semblait pharaonique, était il juste fumeux ?
DDM Archives

À l’époque, dans nos colonnes, Cauvaldor Expansion et son directeur Hughes Lallemand (remplacé depuis) voyaient les choses en grand, sur une superficie de 30 ha, référençant 30 marques de prestige et 70 marques premium. Jamais ce projet n’a vu le jour. Car, si sur le papier tout était grandiose, la réalité s’est révélée tout autre.

Quoi qu’il en soit, depuis les élections survenues en 2020, les délégués communautaires actuels doivent parvenir à solder une bonne fois pour toutes le dossier. C’est donc Jean-Claude Fouché, président depuis 2024, qui a présenté ce point à l’ordre du jour, lundi soir. Il s’agit de : “Une cession de maison dans le quartier des Aubugues à Souillac, achetée dans le cadre du centre de la Mode, avec une proposition d’achat à 125 000 € pour une estimation des Domaines à 102 000 €. On l’avait achetée 120 000 €”, tout en précisant que les divers frais en plus à réajuster sont estimés à près de 19 000 €.

Lors d’une mobilisation d’opposants au projet en mai 2019.
Lors d’une mobilisation d’opposants au projet en mai 2019.
DDM Archives.

Répondant à des questions sur le fait qu’aucune agence immobilière locale n’a encore eu de mandat de vente sur ces biens, le président indiquait qu’ils étaient en cours de signature et que cela prenait du temps. Des délais qui sont suspendus aux réponses de l’EPF Occitanie, partie prenante pour accompagner Cauvaldor dans cette sortie d’impasse. En effet, intervenant comme propriétaire de ces maisons, l’Établissement public foncier d’Occitanie garde aussi la main sur les décisions actées.

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“Les futurs investisseurs, si vous me dites qui c’était à l’époque, je vous écoute.”

Contacté, Jean-Claude Fouché nous indiquait par ailleurs que sur les neuf maisons et le bâtiment artisanal situés dans le périmètre de la Cité de la Mode, celle-ci constituait la 4e à être vendue. “On essaie de s’en sortir le moins mal possible. Ces démarches ont pris du temps, c’est certain qu’à un moment le marché semblait plus favorable pour la vente. Mais les procédures sont complexes, les retours des estimations et évaluations sont longs, et encore une fois, l’EPF Occitanie en est le propriétaire jusqu’en septembre 2026”.

Le projet impactait le quartier du viaduc, Timbergues et les Aubugues.
Le projet impactait le quartier du viaduc, Timbergues et les Aubugues.
Document fourni par Cauvaldor Expansion à la DDM en 2019/2020.

Pour Régis Villepontoux, il y a des choses qui ne passent pas, notamment dans la manière de les présenter et le maire de Pinsac l’a fait savoir. “Dans la délibération, c’est écrit projet abandonné au regard de la défaillance des futurs investisseurs. Ça c’est absolument faux, ça n’a pas été abandonné pour ça. Les futurs investisseurs, si vous me dites qui c’était à l’époque, je vous écoute. Nous, on ne les a pas vus. Il n’y en a jamais eu ! On écrit ça pour se dédouaner ou autre, mais je vous rappelle qu’en mars 2019 on a voté pour sur 80 et quelques, avec 9 votes contre et 25 abstentions. Ça nous a coûté largement les 2 millions voire plus. Heureusement qu’on ne demande pas à ceux qui ont voté à l’époque de payer. Je regrette mais on ne peut pas avoir ça d’écrit. On l’a arrêté parce qu’en gros on s’est fait arnaquer”.

Lors de l’intervention du maire de Pinsac, lundi soir, à Cauvaldor.
Lors de l’intervention du maire de Pinsac, lundi soir, à Cauvaldor.
Capture d’écran Facebook / Cauvaldor.

“Les gens parlent mais ne connaissent pas le sujet”

Piqué au vif, Gilles Liébus, ancien président de Cauvaldor et maire de Souillac, intervenait : “Les gens parlent mais ne connaissent pas le sujet, il y a eu des réunions à Lachapelle Auzac, bon nombre de maires y étaient pour faire le point avec les investisseurs et les porteurs de projets. Rappelons-nous que ce projet a été abandonné par Cauvaldor. Le jour de la réunion, après un repas du président de Cauvaldor avec la CAB de Brive, on a bien compris qu’il ne fallait pas gêner Brive et que la messe était dite.”

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Depuis, aucun projet, mais des squatteurs qui ont investi les lieux, dégradant cet habitat inoccupé… Coupant court, Jean-Claude Fouché, a rappelé qu’il ne s’agissait pas de refaire l’histoire ou de polémiquer, rectifiant : “Aujourd’hui, on essaie de sortir au mieux de la vente de ces biens. On ne va pas perdre deux millions, mais plutôt un”.

Un montant loin de convaincre Régis Villepontoux qui renchérissait : “Largement, lançait-il à l’assemblée. Mais nos concitoyens sont gentils parce que ce million et demi ou ces deux millions […] ils vont le payer. Il faut faire le chèque de 19 000 €, la dernière fois c’était 288 000 € sur trois maisons vendues, la fois d’avant 250 000 € sur le budget, je vous dis qu’on y sera. J’aurais préféré avoir tort. À un moment donné, il faut bien que ça ressorte. Je veux que ce soit écrit”.

La présidence de Cauvaldor a rappelé qu’ils héritaient de cette situation à gérer au mieux. “Nous perdrons un million c’est le coût que ça va coûter à la collectivité à peu près, c’est toujours trop quand on lance un projet qui n’aboutit pas, et qu’il y a de la casse. On peut contester tout ce qui s’est passé, ça ne changera pas l’issue du sujet”, défendait Jean-Claude Fouché, avant une mise au vote de cette cession “validée à la grande majorité”.

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