De retour d’un voyage aux mille dangers, sur le front ukrainien, le président de l’association Occitalien, basée à Montauban (Tarn-et-Garonne), se lance dans une collecte insolite dans le département le plus arboricole de France : les filets usagés qui protègent les vergers de la grêle seront expédiés en Ukraine. Là-bas, c’est contre les attaques incessantes de drones qu’ils seront utilisés.
“Je ne pensais pas que ces filets usagés puissent avoir cette utilité. Ça leur donne une seconde vie.” Mélanie Raujol n’en revient pas. Penser que les filets paragrêle de l’exploitation familiale située à Nègrepelisse (Tarn-et-Garonne) puissent contribuer à sauver des vies, en Ukraine, un pays en guerre depuis bientôt quatre ans, il y a de quoi en avoir des frissons.

Pourtant, c’est bien ce matériel familier des arboriculteurs du Tarn-et-Garonne qui va avoir une vocation inattendue grâce à l’association Occitalien. L’idée a jailli dans l’esprit de Pascal Serrier, président de cette association au soutien du peuple ukrainien pratiquement depuis le début du conflit. “En octobre dernier, on a organisé un 22e convoi d’aide humanitaire, destinée à la fois aux civils et aux militaires.”
Un 22e convoi, sans doute le plus dangereux de tous ceux partis de Montauban depuis le printemps 2022. “Jamais on n’avait dû passer autant de checkpoints. Peut-être une quarantaine, surtout après avoir passé Kiev, tout ça parce que des Russes sont infiltrés.” Pourtant, assure Pascal Serrier, “en dix mois, date de notre précédent convoi, la ligne de front n’a pas bougé”.
Ce qui a changé le paysage, et la nature de cette guerre meurtrière, ce sont les drones. “Les attaques sont quotidiennes. Le samedi soir où nous sommes arrivés en Ukraine, il y en a eu 850 dans tout le pays. C’est l’enfer.”
Sur la route de Sloviansk, des filets tirés sur des kilomètres
Cette réalité, elle a sauté aux yeux de Pascal, Frédéric et Jean-Marc, les trois courageux Tarn-et-Garonnais, lorsqu’ils roulaient vers le Donbass avec leur fixeur Vladimir. “En roulant vers Sloviansk, on a emprunté une route où, sur des kilomètres et des kilomètres, des filets ont été installés, que ce soit au-dessus de la chaussée ou sur les côtés. Le fixeur nous a dit : Ici, si vous ne roulez pas à au moins 150 km/h, vous risquez une attaque de drone. Quand un drone vous a repéré, à un moment, il doit s’arrêter pour fixer sa cible, à cette vitesse élevée il ne peut pas le faire. De nuit, avec les lueurs, on a vu une attaque, qui était huit ou dix kilomètres devant nous.”

Cette “route de l’enfer”, comme l’appelle Pascal, est jonchée de carcasses calcinées de voitures et même de bus touchés par un de ces drones. “On ne les arrêtera pas tous, notamment les Shahed, ces drones iraniens qui ont la taille d’un petit avion, mais si, avec nos filets paragrêle, on peut protéger les gens qui rentrent chez eux, les véhicules utilitaires mais aussi les entrées de bunker, ce sera déjà bien.”
“On est allés jusqu’au point zéro, cette zone située entre 0 et 10 km de la ligne de front où votre ligne de vie est en jeu, car vous êtes à portée de tir.”
En chargeant deux rouleaux entiers de filets, lundi 3 novembre 2025, au Gaec de Raujol, Pascal Serrier n’a pas manqué de remercier Mélanie, Benoît et toute cette famille d’arboriculteurs en pleine récolte de kiwis. Ce don sera chargé dans le 23e convoi pour l’Ukraine que l’association Occitalien espère organiser “en décembre ou janvier”.
Pour Pascal, Frédéric et Jean-Marc, il est difficile d’oublier ce qu’ils ont vu là-bas, au point O, “cette zone située entre 0 et 10 km de la ligne de front où votre ligne de vie est en jeu, car vous êtes à portée de tir”. “Dans l’Est de l’Ukraine, on a rencontré un bataillon composé uniquement de médecins. Ils récupèrent les blessés dans les tranchées. Ils ont besoin de garrots, notamment de tourniquets utilisés dans la médecine d’urgence pour traiter les hémorragies externes. Une association de Lectoure va nous en donner presque un millier.”
Pascal Serrier aimerait bien faire coïncider le 23e convoi avec les dates du Noël orthodoxe. “C’est le 7 janvier. À Poltava, là où nous dormions, nous avons distribué des jouets et des confiseries, achetées sur place, dans deux orphelinats. Mais il y en a six en tout dans cette agglomération de 250 000 habitants. Alors, la prochaine fois, je voudrais qu’on aille distribuer 600 petits cadeaux.” 600, c’est le nombre d’enfants accueillis dans les orphelinats de Poltava. Ils n’ont plus ni père ni mère.

