October 29, 2025

« On est prêts à vacciner trois fois nos canards » : dans le Tarn-et-Garonne, la riposte s’organise face à la grippe aviaire

l’essentiel
Alors que la France est repassée en risque élevé face à la grippe aviaire, les agriculteurs du Tarn-et-Garonne restent sur le qui-vive. Exemple à Saint-Nauphary chez Garrigues, éleveurs de canards.

C’est l’alerte, pas encore l’alarme : face à l’évolution des cas d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) dans la faune sauvage et dans les exploitations d’élevage de volailles, la France a été placée en risque élevé depuis le 22 octobre. Parmi les six foyers déjà relevés dans des élevages commerciaux, un concerne la commune d’Allons, en Lot-et-Garonne. Le préfet a publié l’arrêté usuel en pareil cas, qui définit des zones de protection et de surveillance situées à 3 et 10 km autour de l’établissement contaminé.

Les grues cendrées accusées

Les grues cendrées, en pleine migration, sont pointées du doigt comme vectrices de l’épizootie dont les conséquences sont potentiellement désastreuses : on se souvient peut-être qu’entre 2021 et 2023, il avait fallu abattre 32 millions de volailles dans le pays !
À Saint-Nauphary, dans la SCEA du Coutet de la famille Garrigues, les 14 000 canards mulards présents ce 28 octobre ont l’air de se porter comme un charme. Qui plus est, il pleuviote, des flaques se forment pour la plus grande joie des palmipèdes.

Bernard, 62 ans, et son neveu Guillaume, 39 ans, sont associés à parité dans cette ferme d’élevage « indépendante », c’est-à-dire non attachée à une coopérative. Les Garrigues, aussi propriétaires de160 ha de grandes cultures, élèvent de la volaille ici depuis 1890, en attestent des diplômes de pintades de concours des années 1910 !

Tranquilles aujourd’hui mais promis à une période gavage pour alimenter les assiettes de fin d’année
Tranquilles aujourd’hui mais promis à une période gavage pour alimenter les assiettes de fin d’année
DDM – H.L.

« Chaque année, détaille Bernard, nous élevons 26 000 canards à gaver. Les canetons d’un jour arrivent toutes les trois semaines. En ce moment, c’est la période la plus chargée, en raison des fêtes de Noël et des ventes attendues de foie gras. Nous gardons les canards 14 semaines, puis nous les vendons à des petits gaveurs qui vendent à la maison ou sur les marchés. »

Le vaccin, l’arme fatale ?

La grippe aviaire ? « Je touche du bois, pour l’instant on passe à travers, mais ça fait peur, ça peut tomber d’un jour à l’autre, constate, un brin fataliste, Bernard, même si on se défend mieux aujourd’hui. » Leur meilleure défense, c’est le vaccin. « Tous nos canards sont vaccinés, avec un produit non ARN, car nos clients nous le réclament. Il est un peu plus cher, mais bon. Les éleveurs industriels, eux, retiennent le vaccin ARN. »
Depuis que le niveau de vigilance a été rehaussé en France, de modéré à élevé, il est question d’effectuer un rappel vaccinal. La décision n’a pas encore été prise : « Nous sommes en lien direct avec les autorités, la chambre d’agriculture. »

Une habitude de la claustration…

« Nous, on est prêts à vacciner trois fois nos canards, pourvu que cela nous permette de les laisser dehors. » Car, hors les trois premières semaines où l’animal vit sous abri, le reste du temps, il est à l’air libre. « Bien mieux pour le canard, pour sa croissance et même pour sa future qualité nutritive, témoigne Bernard. Une claustration exige plus de suivi, provoque 2 % de mortalité de plus (dès qu’une bête claudique, ses congénères s’acharnent dessus), exige des extractions d’air régulières, puisqu’un canard de 4 kg consomme autant d’oxygène qu’un humain de 70 kg… »

À l’air libre le 28 octobre autour d’un des huit bâtiments parsemés sur la ferme, pour longtemps ?
À l’air libre le 28 octobre autour d’un des huit bâtiments parsemés sur la ferme, pour longtemps ?
DDM – H.L.

La claustration, les Garrigues y sont hélas habitués. « Moi, en tout cas, mon neveu un peu moins. Elle nous tombe dessus tous les ans depuis 2022 ; l’an passé, c’était à la fin novembre. »
Influenza ou pas, la ferme d’élevage du Coutet est très contrôlée. « Un prélèvement d’une soixantaine de canards toutes les trois semaines, par le vétérinaire conseil. Nous analysons nous-mêmes, par échantillons, tous les lots qui sortent d’ici », appuie Guillaume. Le prix du foie gras de Noël reste incertain, mais au moins, il aura été drastiquement surveillé.

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