Martial Maigret, facteur d’instruments à vent installé à Lectoure (Gers), et sa compagne Caroline Soula reviennent d’une mission solidaire effectuée à Beir Zeit, en Cisjordanie, auprès du Conservatoire national de musique de Palestine Edward Saïd. Leur objectif : transmettre un savoir-faire ancestral dans un contexte d’occupation.
Il y a un peu plus d’un an, un appel lancé sur les réseaux sociaux a tout déclenché. Le Conservatoire national de musique de Palestine cherchait un facteur d’instruments pour remettre en état son parc instrumental et former un personnel local. Les Gersois Martial Maigret et Caroline Soula ont répondu présents. Ils ont commencé à monter un atelier et rencontré Amjad, qui présentait les aptitudes nécessaires. Celui-ci a ensuite été invité un mois à Lectoure pour une formation intensive sur les cuivres.
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En ce mois d’octobre 2025, le couple est reparti à Beir Zeit, petite ville du centre de la Cisjordanie, afin de poursuivre la formation d’Amjad. À l’arrivée, deux nouveaux stagiaires les attendaient : Fares, rattaché à l’antenne du conservatoire à Bethléem, et Nadeem, venant d’une école de musique de Ramallah.

Leur mission s’est articulée autour de cinq axes : continuer la formation d’Amjad, effectuer les réparations urgentes, former les deux nouveaux venus, équiper l’atelier qui manque cruellement de matériel et sensibiliser les étudiants musiciens à l’entretien de leurs instruments.
“Avoir une bouteille de gaz pour la soudure est impossible, explique Caroline. Il faut aller chercher les pièces détachées côté israélien ou les amener dans nos valises. Tout est compliqué, tout prend un temps fou.” L’atelier ressemble à “un hôpital de fortune pour les instruments”, où Martial intervient également sur des réparations de haut niveau pour des musiciens qui partent ensuite en concert à l’international.
Un métier universel, patrimoine de l’humanité
“Ce métier est classé à l’Unesco comme patrimoine immatériel de l’humanité, souligne Martial. On transmet un savoir universel, c’est un passeport pour la vie pour ces gens qui résistent.”

La formation qu’il dispense couvre les soudures, le maniement des postes autogènes et acétylènes, les réglages sur clarinettes et cuivres, jusqu’au travail acoustique pour sentir la différence après réparation. “Il faut d’abord être capable de faire les réparations de première nécessité. Le but, c’est de trouver en temps record des personnes habiles de leurs mains.”
Entre Gaza et Cisjordanie, la musique comme résistance
Le contexte ajoute une dimension particulière à leur engagement. À Gaza, tous les professeurs du conservatoire continuent d’enseigner dans les camps. Avec les moyens du bord, ils fabriquent et réparent des instruments de fortune pour donner de la joie et de l’espoir aux enfants traumatisés par la guerre.
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“En Cisjordanie, c’est l’occupation, rappelle Caroline. L’état d’esprit, c’est la résistance face aux humiliations, aux restrictions, aux empêchements.” Trois jours bloqués à la frontière jordanienne, douze heures à un checkpoint, trois ou quatre heures de route au lieu de vingt minutes : tel est le quotidien.

“Il est difficile de comprendre comment ils font pour rester calmes et garder l’espoir. Le conservatoire œuvre pour la paix. De nombreuses confessions s’y côtoient : catholiques, évangélistes, protestants, orthodoxes, musulmans, bouddhistes, sans compter les athées.”
C’est dans cet esprit que Martial et Caroline ont mené leur mission : faire de la musique pour la paix, pour que les gens croient encore en l’humanité. “Car un orchestre, concluent-ils, c’est avant tout du faire ensemble.”

