Conquise par les troupes russes en mars 2022, la centrale, située à Energodar, dans la région de Zaporijia (sud), est la plus grande d’Europe. ANATOLII STEPANOV / AFP
La situation est « sous contrôle » assure Moscou. Mais les inquiétudes planent autour de la centrale nucléaire de Zaporijia, sous contrôle des troupes russes depuis mars 2022. Celle-ci est privée d’alimentation électrique extérieure depuis plus d’une semaine, selon le pouvoir ukrainien qui dénonce une situation « critique » et accuse la Russie de tenter de « voler » la centrale en la raccordant au réseau sous contrôle russe. On fait le point.
• La centrale privée d’alimentation électrique depuis une semaine
Après une première alerte ce week-end, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a confirmé mardi que la centrale était désormais déconnectée du réseau électrique ukrainien depuis sept jours consécutifs. Il s’agit de la plus longue coupure d’électricité à Zaporijia depuis que la Russie a pris le contrôle de la centrale nucléaire. « Nous n’avons jamais connu une telle situation auparavant », s’est alarmé Zelensky.
Moscou et Kiev, qui se sont mutuellement accusés à plusieurs reprises de risquer une catastrophe nucléaire en attaquant le site, se sont renvoyé la responsabilité de la dernière coupure de courant.
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Conquise par les troupes russes en mars 2022, au début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, la centrale, située à Energodar dans la région de Zaporijia (sud), est la plus grande d’Europe. Ses six réacteurs sont à l’arrêt mais elle a besoin d’une alimentation électrique extérieure pour continuer à les refroidir. Depuis le début de la guerre, selon Kiev, elle a déjà été coupée à 10 reprises du réseau ukrainien.
Samedi, l’opérateur de la centrale contrôlé par le groupe russe Rosatom a fait savoir qu’il y a suffisamment de réserves de carburant dans la centrale pour « un fonctionnement prolongé » en autonomie et le refroidissement des réacteurs est accompli « entièrement ».
• Kiev accuse la Russie de vouloir « voler » la centrale
Le ministre ukrainien Andriï Sybiga a accusé les opérateurs russes « d’ignorer toute considération de sécurité nucléaire » pour « faire plaisir à leurs patrons à Moscou ». Selon lui, « la Russie a construit 200 kilomètres de lignes électriques en préparation d’une tentative de voler la centrale, de la relier au réseau [sous contrôle russe, NDLR] et de la relancer ».
Il a accusé Moscou « d’actions irresponsables » ayant causé « beaucoup trop de risques » nucléaires depuis le début de l’invasion en 2022. « Mais la tentative russe de reconnecter la centrale pourrait être le pire jusqu’à présent, en posant les plus grands risques. » « Nous exhortons toutes les nations préoccupées par la sûreté et la sécurité nucléaires à faire clairement comprendre à Moscou que son pari nucléaire doit cesser », a-t-il ajouté, demandant que la centrale retourne sous contrôle ukrainien.
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L’ONG Greenpeace a affirmé samedi, en s’appuyant sur l’analyse d’images satellite, que la Russie avait construit 200 km de lignes à haute tension depuis deux stations électriques à Mélitopol et Marioupol, des villes sous occupation russe situées au sud-est de la centrale, dans l’optique de la connecter au réseau.
Le directeur de la centrale nommé par la Russie, Iouri Tchernitchouk, avait affirmé en janvier à l’agence TASS que le site pourrait potentiellement alimenter en électricité la Crimée annexée et les régions conquises par Moscou dans le sud et l’est de l’Ukraine. Le 20 septembre, il a également affirmé à TASS que le processus d’intégration de la centrale à la Russie était « au stade final ».
• Zelensky met en garde contre une situation « critique »
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé ce mardi lors de son discours quotidien que la situation était « critique ». « En raison des attaques russes, la centrale a été coupée de son alimentation électrique et du réseau. Elle est alimentée en électricité par des générateurs diesel », dont l’un d’eux « ne fonctionne pas bien. » Selon lui « les Russes empêchent la réparation des lignes électriques menant à la centrale et la restauration de la sécurité de base par leurs frappes. Et c’est une menace pour absolument tout le monde. »
• L’opérateur de centrale assure que la situation est « sous contrôle »
Ce mercredi, l’opérateur russe du site a indiqué sur son compte Telegram que « la situation à la centrale nucléaire de Zaporijia est sous contrôle. La centrale informe l’AIEA de la situation en cours selon les procédures établies et de façon constante ».
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Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, la direction de la centrale a informé l’AIEA que le site disposait encore de réserves de combustible pour plus de 10 jours de fonctionnement. « Si la centrale fonctionne actuellement grâce à ses générateurs diesel de secours […] et qu’il n’y a pas de danger immédiat tant qu’ils continuent de fonctionner, il est clair que cette situation n’est pas viable en termes de sûreté nucléaire », a affirmé le directeur de l’agence, Rafael Grossi, dans un communiqué cette nuit. « Aucune des deux parties n’aurait intérêt à un accident nucléaire […] Je suis en contact permanent avec les deux parties dans le but de permettre le rétablissement rapide du raccordement de la centrale au réseau électrique », a-t-il souligné.