September 24, 2025

RECIT. Procès Jubillar : Délinquants sexuels, amant, ex-dangereux criminels, "ces pistes ont été négligées"

l’essentiel
Durant de longues heures, l’ancien directeur d’enquête sur la disparition de Delphine Jubillar, dans le Tarn, en décembre 2020, a repoussé les assauts de la défense. Lancés dans une véritable entreprise de destruction d’indices à charge, les avocats du peintre plaquiste ont tenté de faire voler en éclats “une enquête orientée” où apparaissent les premières fissures.

Plus de deux heures d’un récit rigoureux et détaillé. Gaillard sous sa chemise blanche, la major Bernard L. déroule le fil de plus de trois ans d’une gigantesque enquête sur la disparition et la mort de Delphine Jubillar. Une infirmière de 33 ans qui s’est volatilisée, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, à Cagnac-les-Mines.

C’est son mari, Cédric, qui signale sa disparition aux gendarmes, par un appel, à 4h09. Dès lors, c’est une enquête à plusieurs inconnues, un Cluedo à ciel ouvert au cœur de cette ancienne cité minière truffée d’innombrables puits et galeries cachées, qui débute. Directeur d’enquête à la section de recherches à cette époque, le major de 57 ans pose sa voix et tente d’être le plus audible possible :

Nous avons mis tous les moyens pour retrouver le corps de Delphine Jubillar. Après avoir écarté toutes les hypothèses, rôdeur, fugue, suicide ou participation d’un tiers, tous les éléments recueillis nous ramènent vers Cédric Jubillar. Son comportement ambigu, les menaces de mort sur sa femme, les déclarations de son fils Louis et la dispute”.

“Ces éléments objectifs tendent à démontrer la participation de Cédric Jubillar aux faits”

La démonstration paraît implacable. Le major alourdit la liste. “Il y a l’état des lunettes de Delphine Jubillar, les cris entendus dans la nuit, le changement de sens de la voiture, la manipulation du téléphone de Delphine Jubillar, les mini-traces de sang sur le pyjama, le divorce qui allait entraîner la perte de la maison”. Il conclut : “Ces éléments objectifs tendent à démontrer la participation de Cédric Jubillar aux faits”. Pourtant la piste de ce mari si intrigant ne s’est pas imposée à la va-vite, à en croire les premières déclarations de ce major expérimenté. Ce mercredi, à la barre de la cour d’assises du Tarn, il affirme, “l’hypothèse de Cédric Jubillar me semblait invraisemblable au départ”. Elle s’est pourtant imposée en quelques semaines à La cellule d’enquête “disparition 81”.

Les autres contacts de Delphine

Face aux coups de boutoir de la défense, le vernis appliqué avec tant de soins pour démontrer l’implication de Cédric Jubillar dans le meurtre de sa femme se brise avec fracas. Lancés dans une véritable entreprise de destruction, les avocats de Cédric Jubilar, Mes Alexandre Martin et Emmanuelle Franck, torpillent, une à une, des charges issues selon eux, “d’un raisonnement purement déductif et orienté”.

Il y a d’abord ce livret de famille appartenant aux Jubillar qui est retrouvé sur la voie publique, sept mois après la disparition de l’infirmière. “Il n’y a aucun élément en procédure sur cette découverte. Aucune recherche ADN sur ce document en bon état”, s’étonne Me Franck, laissant sans voix l’officier. Au printemps 2021, des témoins sont tenus au courant de l’avancée de l’enquête par les gendarmes. “Cet enquêteur ne donne aucun élément mais livre des sentiments”, précise Bernard L.

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Le directeur d’enquête dans ses retranchements

À partir du 4 juin 2020, Delphine Jubillar est en contact téléphonique avec d’autres personnes connues sur un site de rencontres amoureuses. “Elle loue des voitures à partir de ce moment-là mais aucune investigation n’est menée”, ajoute la défense. “Elle aurait vu cet homme à deux reprises à Lisle-sur-Tarn, mais ce n’est pas creusé ?” Réponse du directeur d’enquête qui essuie des gouttelettes de son front : “La seule personne avec laquelle Delphine Jubillar vivait une relation amoureuse, c’était son amant, Jean”. Plus gênant, sur 288 personnes inscrites au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), “seules 65 d’entre elles sont entendues”, affirme Emmanuelle Franck. Il en manque donc 223.

“Des vérifications téléphoniques ont été faites”, assure le major. Parmi ces pistes “négligées”, selon la défense de Cédric Jubillar, figurent d’anciens dangereux criminels. Les prélèvements effectués à leur domicile n’ont jamais été envoyés dans les laboratoires d’analyse. L’officier explique que des vérifications ont été faites en amont, qu’il travaille sous l’autorité des deux magistrates. Autre coup de canif à cette enquête : la relation romancée entre Delphine Jubillar et son amant. Dès décembre 2020, ce dernier, fin séducteur, est en contact avec une coiffeuse. Elle figure au troisième rang de ses contacts privilégiés sur son téléphone. Mais là aussi, aucune trace en procédure de cette liaison.

“Un divorce à l’amiable”

Cédric Jubillar vivait très mal son divorce ? Cet argument a longtemps servi la cause du mobile du meurtre. Pourtant, des éléments affaiblissent cette conviction. Le 15 décembre 2020, quelques heures avant la disparition de sa femme, il envoie une dizaine de messages à des femmes, sur Meetic. Il se présente comme “père divorcé”. En parallèle, il fait la demande d’un crédit à la consommation pour acheter de l’électroménager. Enfin, “son divorce était accepté, assène Emmanuelle Franck, mais personne ne le dit, s’adressant au directeur d’enquête, car évidemment c’est un élément à décharge ! Sur une écoute téléphonique, l’amant de Delphine le précise à Anne, l’une des amies de l’infirmière, “ils étaient vraiment dans une démarche de divorce à l’amiable”. En moins de trois heures, les certitudes sur ce “coupable idéal”, se sont fissurées.

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