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Le Nouvel Obs avec AFP
Shigeru Ishiba, le 23 juin à Tokyo. KIYOSHI OTA / AFP
Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a annoncé sa démission ce dimanche 7 septembre après onze mois en fonctions, une période au cours de laquelle son parti a perdu la majorité absolue dans les deux chambres du parlement. « Maintenant que les négociations sur les mesures tarifaires américaines sont arrivées à leur terme, je pense que c’est le moment approprié. J’ai décidé de me retirer et de laisser la place à la prochaine génération », a-t-il déclaré.
A 68 ans, cet outsider de la politique nippone avait pris en septembre 2024 (à sa cinquième tentative) la tête du PLD, une formation au pouvoir quasiment sans interruption dans l’archipel depuis les années 1950. Il était ainsi devenu le chef du gouvernement, le 1er octobre dernier. Ex-ministre de la Défense et de l’Agriculture, il séduisait alors le public : connu pour sa maîtrise des questions militaires, il se revendique amateur de cigarettes et de trains, d’idoles de la pop des années 1970, et de fabrication de maquettes.
A peine élu, Shigeru Ishiba avait convoqué dès octobre des élections législatives anticipées, espérant asseoir son pouvoir. Mais il avait finalement récolté le pire résultat de son parti en 15 ans : la coalition PLD-Komeito a perdu sa majorité absolue à la chambre basse du Parlement, se voyant contrainte de négocier avec l’opposition. Sa popularité a chuté, sur fond de flambée inflationniste et de doublement des prix du riz. Un sondage publié début juin par la télévision NHK indiquait que seuls 39 % des Japonais approuvaient l’action du gouvernement. Cet été, il avait subi une nouvelle débâcle électorale aux élections de la chambre haute.
Finalement, « Ishiba s’est vu acculé dans ses retranchements, ne promettant qu’un soutien financier tardif et timide qui ne contribuera guère à améliorer les perspectives de la demande », estime Stefan Angrick, analyste de Moody’s Analytics.
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Série de faux pas
Fils d’un gouverneur régional et issu de la petite minorité chrétienne de l’archipel, Shigeru Ishiba s’était engagé à « créer un nouveau Japon », à revitaliser les régions rurales et à répondre à « l’urgence silencieuse » du déclin démographique. Père de deux filles, ce grand fumeur n’a nommé que deux femmes à son cabinet, contre cinq sous son prédécesseur Fumio Kishida. Son image politique s’est rapidement ternie et il a été fustigé pour ses faux pas : costume mal ajusté lors d’une cérémonie, sieste en pleine séance au Parlement, le fait de ne pas s’être levé pour saluer d’autres dirigeants lors d’un sommet au Pérou.
Cette démission survient cependant dans un contexte paradoxal puisque Shigeru Ishiba était en pleine remontée dans les sondages, notamment après l’accord commercial avec les Etats-Unis. La cote de popularité de son gouvernement avait connu un rebond surprise fin août atteignant 39 % d’opinions favorables, soit une hausse record de 17 points par rapport à juillet, selon un sondage publié par le quotidien « Yomiuri ». Le journal attribue cette remontée notamment à l’accord commercial conclu fin juillet avec les Etats-Unis (deux jours après les élections au Japon) qui a réduit les droits de douane américains de 25 % à 15 %. Mais cet accord intervient après une longue période d’enlisement des négociations commerciales face à Donald Trump, qui ont fait craindre une absence totale de compromis.
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Par contraste, Shinzo Abe, Premier ministre japonais à l’époque du premier mandat de Donald Trump, était pour sa part devenu proche du président américain, dont il était réputé avoir l’oreille. Il avait obtenu de rapides résultats dans la guerre commerciale menée alors par les Etats-Unis, parvenant à protéger le Japon de toute surtaxe douanière américaine. « Il n’y en aura jamais un autre comme lui », avait déclaré Donald Trump après la mort de Shinzo Abe, assassiné en 2022.