La députée LFI Sophia Chikirou à l’Assemblée nationale, à Paris, le 20 mai 2025. XOSE BOUZAS / HANS LUCAS VIA AFP
Encore une fois, Sophia Chikirou s’illustre par une prise de position prochinoise. Interrogée en août par l’émission « Quotidien » à l’occasion des universités d’été de son parti La France insoumise (LFI), la députée a fait part de sa position à rebours du consensus occidental sur Pékin.
« Je ne considère pas que la Chine soit une dictature », affirme-t-elle dans une séquence vidéo devenue virale et diffusée mardi 2 septembre. Sophia Chikirou préfère parler de « système politique à parti dominant où il n’y a pas un seul homme qui dirige ». « La critique du Parti communiste chinois est impossible, mais vous pouvez critiquer des mesures prises », ajoute-t-elle.
Elle juge au passage que la liberté d’expression n’est pas plus menacée à Pékin… qu’à Paris. Pour rappel, la France est classée 25e lors du dernier recensement de Reporters sans Frontières sur la liberté de la presse, et la Chine 178e sur 180, l’ONG estimant que « la République populaire de Chine est la plus grande prison du monde pour les journalistes, et son régime mène une campagne de répression contre le journalisme et le droit à l’information dans le monde entier ».
La question de « Quotidien » n’est pas anodine : elle fait suite à un rapport rédigé par la députée – également membre de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale – et publié fin juin par le Palais-Bourbon. La députée de Paris y dresse un réquisitoire contre la politique de l’Union européenne, « trop souvent alignée sur la politique américaine vis-à-vis de Pékin ». Elle loue aussi l’incroyable capacité d’innovation d’un système très vertical. Le « système politique chinois constitue bien plus qu’un cadre institutionnel : il est l’infrastructure politique d’un volontarisme national assumé ». Des conclusions qui se démarquent de la position classique de la diplomatie française.
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Ces propos justifient même, selon le sinologue et politiste Paul Charon interrogé par « le Monde », « la dictature du parti ». Le document est jugé particulièrement complaisant avec le régime chinois, au point qu’il refuse d’ailleurs d’employer le terme « dictature » pour décrire le système politique instauré par le Parti communiste chinois, qui dirige le pays sans interruption depuis 1949.
« Peut-être que leur place est à Pékin »
Cette petite phrase n’a pas manqué de faire réagir. Car il va sans dire que la Chine est bien une dictature. Au-delà du consensus universitaire sur le sujet − la sinologue et directrice de recherche au CNRS, Stéphanie Balme, parle par exemple de « dictature totalitaire » − la Chine était classée parmi les pires régimes autoritaires par le « Democracy Index » en 2023, classé 148e sur 167. En 2024, sur l’échelle de 0 à 10 du même index, la Chine obtenait la note de 2,11. Rappelons d’ailleurs que Xi Jinping, président depuis 2013, a modifié la Constitution en 2018 afin de pouvoir être réélu indéfiniment.
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En 2022, l’ONG Safeguard Defenders dévoilait que le pays continuait d’envoyer des opposants en hôpitaux psychiatriques contre leur gré, malgré des lois l’interdisant. Parmi les personnes identifiées, 14 étaient des militants politiques et 80 de simples pétitionnaires : des Chinois sans engagement politique mais qui ont un jour osé se plaindre d’une injustice ou d’un fait de corruption.
En mars 2024, l’organisation humanitaire à but non lucratif Dui Hua dénombrait en outre un total de 48 699 prisonniers politiques depuis l’an 2000, dont 7 371 étaient toujours en détention. Sans oublier la répression des minorités musulmanes, en particulier des Ouïgours, dénoncée dans un rapport accablant de l’ONU en 2022.
La Chine, une menace « politique, géopolitique et économique »
A gauche, la position de Sophia Chikirou, élargie à l’ensemble des insoumis, interroge. « Ces gens-là [LFI, NDLR] ne font plus la différence entre une dictature et une démocratie, entre la Chine et la France. Ils passent sous silence la déportation des Ouïgours, la répression à Hong Kong, la mise en prison de l’ensemble des dissidents. Ils passent sous silence le fait que la Chine est une menace à la fois politique, géopolitique et aussi économique pour nos pays », a dénoncé Raphaël Glucksmann sur Franceinfo, jeudi.
« Peut-être que leur place est à Pékin, avec ce grand rassemblement de grands humanistes internationaux, depuis la Corée du Nord jusqu’à l’Iran, en passant par la Chine et la Russie », a ironisé l’eurodéputé Place publique.
« Pour Sophia Chikirou, la Chine n’est pas une dictature, bien que le Parti communiste et Xi concentrent tous les pouvoirs et qu’aucune élection n’est jamais organisée. La liberté d’expression y serait autant menacée qu’en France. De quoi faire rire Poutine et Kim Jong-un, invités d’honneur du défilé militaire à Pékin », a également ironisé sur X l’eurodéputée socialiste Chloé Ridel. Une référence à la réunion à Pékin entre le président chinois Xi Jinping, son homologue russe Vladimir Poutine et le leader nord-coréen Kim Jong-un.
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« Pour que de tels propos n’engagent pas les insoumis, encore faut-il que le mouvement manifeste son désaccord. Je ne doute pas qu’un communiqué de clarification est en cours de rédaction », a de son côté tancé sur le réseau social l’ancienne insoumise Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis.