CYCLISME. Walter Godefroot savait même battre Merckx

 

Un souvenir d’enfant, d’abord, un peu douloureux. Sur le tour de ville de Maurs juste avant le départ de la traditionnelle nocturne au soir du 6 août 1970. Nous nous approchons timidement du maillot vert éclatant occupé à signer des photos et des programmes. Notre tour arrive, mais le Flamand au regard clair et au nez de boxeur nous toise. « Pas de stylo, pas d’autographe ! » Pire, deux heures plus tard, il va dominer sous l’orage et sur la route trempée, Rudi Altig et… Eddy Merckx que nous avions rêvé de voir gagner à deux coups de pédales du Lot et de l’Aveyron. Nous avons, depuis, sans rancune, beaucoup croisé le Gantois, exceptionnel coureur de classiques et plus tard directeur sportif comblé avec, notamment Jan Ullrich, Erik Zabel et… Bjarne Riis. Il souffrait depuis longtemps d’une maladie dégénérative et s’est éteint ce lundi 1^er août un mois après le 50^e anniversaire de sa victoire historique sur les Champs-Elysées où le Tour de France arrivait pour la première fois en 1975.

SUR LE CHEMIN DE MERCKX

Professionnel pendant 15 ans, de 1965 à 1979, le sprinter de la grande époque Flandria (il a aussi passé deux ans chez Peugeot avant l’arrivée du Tarnais Jacques Esclassan et a terminé, brillamment, sa carrière sous les couleurs d’Ijsboerke) présente un des plus riches palmarès du siècle dernier. Il a su, comme Felice Gimondi ou Roger de Vlaeminck, exister vraiment alors que le peloton s’écrasait, comment faire autrement, sous le joug du « merckxisme ». On cite toujours De Vlaeminck comme chef de file de l’opposition, mais Godefroot a lui aussi fait beaucoup de misères au Bruxellois. Les deux sont passés professionnels en 1965, Merckx aux côtés de Rik Van Looy chez Solo et Walter Godefroot à la Wiel’s Groene Leeuw de… Benoni Beheyt (Eric De Vlaeminck, les deux Gilbert Desmet, Martin Van den Bossche et Frans Verbeeck roulaient eux aussi sous la bannière verte cette année-là).

Lors du championnat de Belgique à Vilvorde l’été de leurs débuts, Godefroot a dominé Merckx au sprint. L’histoire se répétera sept ans plus tard à Bornem…

DUEL SUR LE MIDI-LIBRE 1966

À l’arrivée de Liège-Bastogne-Liège en 1967, le mauvais temps a rendu le vélodrome de Rocourt impraticable. Les organisateurs se replient sur la cendrée que Godefroot aborde en tête, son meilleur ennemi ne peut le remonter. À Roubaix en 1969, le leader de Flandria réalise un gros numéro solitaire et Merckx doit se contenter encore d’une deuxième place qu’il n’apprécie que très modérément. En 1973, derrière un Cannibale déchaîné, Walter habillé de noir jaune et rouge sera le premier des battus à près de deux minutes et demie… Détail savoureux, lors de leurs premières batailles de France, sur le Grand Prix du Midi-Libre en juin 1966 (Merckx portait alors le damier de Peugeot), Godefroot a gagné la première étape à Montpellier, Merckx la deuxième, le lendemain, à Millau. Par la suite, chez Telekom, Walter Godefroot est devenu le premier à diriger le jeune… Axel Merckx chez les professionnels. Depuis longtemps, son père et son boss avaient enterré la hache de guerre.

Le plus grand champion de l’histoire a été un des premiers à réagir à l’annonce de la disparition de son ancien compagnon de route. « Avec Roger de Vlaeminck on rendait encore parfois visite à Walter, la dernière fois, on l’a trouvé très affaibli il ne se portait pas bien… Il était un homme très correct et un formidable coureur. Il était plus rapide que moi… Son décès me touche profondément ».