Dans le centre d’isolement dédié au choléra dans les camps de réfugiés de l’ouest du Soudan, à Tawila au Darfour, le 14 août 2025. AFP
Au moins 40 personnes sont mortes en une semaine au Darfour, dans l’ouest du Soudan, dans la pire épidémie de choléra que ce pays, en proie à la guerre civile, ait connue depuis des années, a annoncé, jeudi 14 août, Médecins sans frontières (MSF).
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Le Soudan, troisième plus grand pays d’Afrique, est devenu, depuis 2023, le territoire le plus durement frappé au monde par le choléra. Dans la seule région du Darfour, les équipes de MSF ont soigné « plus de 2 300 patients et enregistré 40 décès la semaine dernière en raison du choléra », a déclaré l’organisation non gouvernementale. « En plus d’une guerre généralisée, les Soudanais font actuellement face à la pire épidémie de choléra que le pays ait connue depuis des années », a souligné MSF.
Cette maladie diarrhéique, transmise par l’eau et la nourriture contaminées, peut tuer en quelques heures sans traitement. Le choléra peut être soigné par une simple réhydratation orale, voire des antibiotiques, mais la guerre qui oppose l’armée aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), depuis avril 2023, a mis à genoux le système de santé et rend ces traitements souvent inaccessibles.
Plus de 640 000 enfants de moins de 5 ans menacés
Depuis juillet 2024, environ 100 000 cas ont été recensés au Soudan, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Plus de 2 408 décès ont été enregistrés dans 17 de ses 18 Etats depuis août 2024, selon l’Unicef. L’OMS a enregistré dans le monde près de 4 000 décès depuis janvier 2025, dont plus de 95 % en Afrique. Selon l’Unicef, plus de 640 000 enfants de moins de 5 ans sont menacés par la maladie au Darfour-Nord, où les combats font rage autour d’El-Facher, la capitale provinciale, dont les FSR tentent de s’emparer.
La situation est la plus critique à Tawila, où des centaines de milliers de Soudanais fuyant les combats ont trouvé refuge. « A Tawila, les habitants survivent avec une moyenne de seulement 3 litres d’eau par jour, soit moins de la moitié du seuil minimum d’urgence de 7,5 litres par personne et par jour nécessaire pour boire, cuisiner et assurer l’hygiène, selon les recommandations de l’OMS », a indiqué, jeudi, MSF.
Privés d’eau potable, de soins et d’hygiène, des centaines de milliers de Soudanais sont livrés à eux-mêmes. « Nous mélangeons du citron dans l’eau (…) et nous le buvons comme remède », confiait cette semaine, à l’Agence France-Presse (AFP), Mona Ibrahim, une femme déplacée à Tawila. « Nous n’avons pas de toilettes, les enfants défèquent en plein air », décrit-elle. Selon l’Organisation des Nations unies, environ 300 enfants atteints de choléra ont été recensés dans cette ville depuis avril.
Une situation « au-delà de l’urgence »
« Dans les camps de déplacés, les familles n’ont souvent pas d’autre choix que de boire de l’eau contaminée, a déclaré Sylvain Penicaud, coordinateur de MSF à Tawila. Il y a deux semaines, un corps a été trouvé dans un puits. Il a été enlevé mais deux jours après, les gens ont été obligés de boire à nouveau cette eau. » Pour beaucoup, maintenir une hygiène minimale relève de l’impossible. « Là où nous vivons, il y a beaucoup de mouches », racontait Haloum Ahmed, une femme déplacée à Tawila, affaiblie par une diarrhée sévère.
Pour Tuna Turkmen, chef de mission pour MSF au Soudan, « la situation est au-delà de l’urgence. L’épidémie se propage bien au-delà des camps de déplacés ». Dans le pays en guerre, qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts, l’acheminement de l’aide humanitaire est devenu presque impossible. La saison des pluies, qui s’intensifie en août, pourrait aggraver la crise sanitaire.
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A Ad-Damazin, la capitale de l’Etat du Nil Bleu, dans le sud-est du Soudan, MSF observe une combinaison mortelle de choléra et de malnutrition : « Entre le 3 et le 9 août, six patients atteints de choléra décédés souffraient également de malnutrition aiguë », selon MSF.
A El-Facher, au moins 63 personnes sont mortes de malnutrition en une semaine, a indiqué, dimanche 10 août, à l’AFP, un responsable du ministère de la Santé. Près de 25 millions de personnes souffrent d’une insécurité alimentaire aiguë au Soudan, où la famine a déjà gagné plusieurs régions.