Des migrants sur une embarcation de fortune dans la Manche, à Neufchatel-Hardelot, le 30 juin 2025. SAMEER AL-DOUMY / AFP
L’accord franco-britannique prévoyant le retour en France de migrants arrivés par petit bateau au Royaume-Uni en échange de l’envoi outre-Manche de migrants se trouvant en France va très prochainement entrer en vigueur. Dès ce mardi 5 août selon les Britanniques, plutôt demain, mercredi 6 août, indique-t-on du côté du ministère de l’Intérieur français.
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« Aujourd’hui, nous envoyons un message clair : si vous venez ici illégalement sur un petit bateau, vous risquez d’être renvoyé en France », a déclaré le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui s’est entendu sur ce projet pilote avec le président français Emmanuel Macron lors de sa visite d’Etat au Royaume-Uni début juillet. Le cabinet du ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, a toutefois indiqué mardi de son côté que « l’accord a été signé, mais entre en vigueur demain ».
Les deux gouvernements ont signé le « texte final la semaine dernière » et la Commission européenne a « donné son feu vert à cette approche innovante pour décourager l’immigration illégale », a indiqué lundi soir le Home Office dans un communiqué. Que contient-il ?
• Un système d’échange « un pour un »
L’accord fonctionne avec un système d’échange entre les deux nations. Les migrants arrivés en Angleterre depuis la France sur des embarcations de fortune et dont la demande d’asile est jugée irrecevable seront renvoyés dans l’Hexagone. Dans l’autre sens, Londres acceptera des personnes se trouvant en France et ayant fait une demande sur une plateforme en ligne, en donnant la priorité à celles ayant des liens avec le Royaume-Uni.
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Les deux gouvernements ont insisté sur le fait que les nouveaux arrivants seront soumis de part et d’autre de la Manche à un examen sécuritaire complet.
• Un « nombre réduit » de migrants concernés
Malgré l’entrée en vigueur du texte, la mise en œuvre effective de l’accord pourrait prendre quelques jours, avec des premières détentions de migrants ayant vocation à être renvoyés d’ici la fin de la semaine, selon le Home Office. Sur la radio BBC, la ministre britannique de l’Intérieur Yvette Cooper a évoqué un « nombre réduit » de migrants concernés qui « augmentera ensuite ». Elle n’a pas confirmé le chiffre de 50 personnes par semaine évoqué dans la presse.
• Un accord valable pendant un an
L’accord vise à dissuader les personnes souhaitant traverser la Manche sur des embarcations précaires et bondées, organisées par des réseaux de passeurs. Il est valable jusqu’en juin 2026 mais il est amené à évoluer.
Yvette Cooper a précisé que l’accord ferait l’objet d’une évaluation mensuelle et que des « ajustements » sont à prévoir. Son homologue français, Bruno Retailleau a pour sa part loué sur X un « dispositif expérimental, dont l’objectif est clair : casser les filières ».
• Plus de 25 000 arrivées au Royaume-Uni depuis le début de l’année
Avec un nombre record de plus de 25 400 personnes arrivées au Royaume-Uni sur des petits bateaux depuis le début de l’année, soit une hausse de 49 % sur un an, le gouvernement travailliste de Keir Starmer est sous pression pour tenter d’endiguer ce phénomène. Depuis le début de l’année, 18 personnes sont mortes en tentant de rallier clandestinement l’Angleterre sur ces « small boats », selon des données du ministère de l’Intérieur français.
Le commissaire européen chargé des questions migratoires, Magnus Brunner, a salué sur X l’accord, indiquant que « le nombre croissant de migrants qui ont traversé la Manche clandestinement est préoccupant ».
Cinq pays du sud de l’Europe dont la Grèce, l’Italie et l’Espagne, avaient exprimé en juin leur « préoccupation », disant craindre que la France ne renvoie ensuite les migrants vers le premier pays de l’UE dans lequel ils sont arrivés.
• Vives critiques à Calais
Ce projet a suscité de vives critiques dans le nord de la France. « Nous considérons que cet accord est bénéfique pour les Britanniques mais très néfaste pour notre pays et tout particulièrement pour la façade littorale de la Région Hauts-de-France », écrivaient le président de Région Xavier Bertrand et la maire de Calais Natacha Bouchart dans un courrier adressé à Bruno Retailleau le 11 juillet dernier. Les deux élus demandaient l’abandon de ce projet qu’il qualifie de « nouvelle filière d’immigration illégale sur [leur] territoire ».
De l’autre côté, des associations d’aide aux migrants jugent qu’il va à l’encontre des textes internationaux sur la protection des réfugiés. « C’est une mesure qui risque de n’avoir aucun impact » dont « le cadre reste très flou », soulignait auprès de l’AFP le 13 juillet Flore Judet, coordinatrice à l’association l’Auberge des migrants. « On ne sait pas combien de personnes vont pouvoir être envoyées là-bas », soulignait-elle.
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Le 12 juillet dernier, l’association Utopia 56 dénonçait sur un message Instagram un accord qui « augmente toujours plus la violence envers les personnes en situation d’exil ». « Des voies de passage légales pour toutes et tous doivent être mises en place, pour permettre à chacun·e d’exercer son droit de demander l’asile dans le pays de son choix. On en est loin », déplorait l’association.