Des Palestiniens tentent de récupérer de la nourriture après l’arrivée de vivres par les airs, le 2 août 2025. MOHAMMED NASSAR / ANADOLU VIA AFP
La France a mené vendredi 1er août une première opération de largage de 40 tonnes vivres à Gaza pour tenter de lutter contre la famine à laquelle les habitants sont confrontés après 22 mois de guerre entre Israël et le Hamas.
« Face à l’urgence absolue, nous venons de conduire une opération de largage de vivres à Gaza. Merci à nos partenaires jordaniens, émiriens et allemands pour leur appui, ainsi qu’à nos militaires pour leur engagement », a écrit vendredi soir sur X Emmanuel Macron.
Le chef de l’Etat a également averti que ces largages de colis « ne suffisent pas » en enjoignant Israël à ouvrir « un plein accès humanitaire pour répondre au risque de famine ».
Israël a très partiellement assoupli fin mai un blocus total imposé début mars à l’enclave palestinienne, qui a entraîné de très graves pénuries de nourriture, médicaments et autres biens de première nécessité. Depuis ce lundi, les parachutages de colis se multiplient au-dessus du territoire gazaoui enclavé. Plusieurs pays occidentaux – dont la France, l’Espagne et le Royaume-Uni – ont décidé ces derniers jours de se joindre aux pays du Moyen-Orient pour envoyer de l’aide.
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« Pas suffisants pour inverser la catastrophe humanitaire »
Mais, bien que salvateur pour une partie de la population, ces largages de colis sont aussi critiqués par les associations humanitaires. En premier lieu parce qu’ils ne suffisent pas à nourrir la population affamée.
Ces colis largués « ne seront pas suffisants pour inverser la catastrophe humanitaire », prévenait le Cadre intégré de Classification de la Sécurité alimentaire (IPC) dans un rapport publié mardi où il constatait que « le pire scénario de famine est en cours à Gaza ».
« Une action immédiate et à grande échelle est nécessaire pour mettre fin aux hostilités et permettre un accès humanitaire sans entrave », a ainsi plaidé le consortium. Et d’avertir : « Ne pas agir maintenant entraînera des morts massives dans une grande partie de la bande de Gaza. »
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Plus de 62 000 tonnes de vivres par mois nécessaires
Le chef de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, a également jugé ces colis « insuffisants et inefficaces ». « L’UNRWA dispose de 6 000 camions chargés d’aide bloqués à l’extérieur de Gaza, attendant le feu vert pour entrer », a-t-il déclaré vendredi sur le réseau X, plaidant pour une aide convoyée par la route plutôt que pour des largages aériens. Ces derniers « coûtent au moins 100 fois plus cher que les camions » qui « transportent deux fois plus d’aide que les avions », a-t-il relevé.
Ces derniers jours, entre 100 et 200 camions d’aide ont pu entrer quotidiennement à Gaza, selon le Cogat (organisme dépendant du ministère de la Défense israélien), alors que l’ONU estime qu’il en faudrait au moins 500 par jour. Sur son site internet, l’Unicef indique qu’il faudrait « plus de 62 000 tonnes d’aide vitale tous les mois pour répondre aux besoins essentiels en matière d’aide alimentaire et nutritionnelle de l’enclave ».
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Mais plus qu’insuffisant, le largage de vivres par voie aérienne est également jugé dangereux par les organisations humanitaires. Des accidents peuvent se produire si un parachute s’ouvre mal ou encore lors d’émeutes une fois le colis arrivé sur la terre ferme. « Il y a deux jours, nous avons reçu 15 blessés dans l’un de nos hôpitaux après un largage de colis alimentaire, raconte Amande Bazerolle, coordinatrice d’urgence pour Médecins sans frontières (MSF) à Gaza, sur Franceinfo. Comme il n’y en avait pas assez pour tout le monde, cela a créé des tensions entre des gens affamés et désespérés qui essayaient de les récupérer. »
« Piège mortel »
Pire, en se rendant dans les centres de distribution, certains Gazouis ont été visés par des tirs israéliens, alerte l’ONG Human Right Watch (HRW) qui dénonce dans un rapport paru vendredi des « crimes de guerre ». La maigre aide humanitaire qui entre par la route dans le territoire assiégé est essentiellement coordonnée via la GHF (Fondation humanitaire pour Gaza), soutenue par Israël et les Etats-Unis. « Des incidents ayant fait de nombreuses victimes se sont produits quasi quotidiennement sur les quatre sites de distribution d’aide gérés » par la GHF, rappelle HRW.
« À l’intérieur des sites, la distribution de l’aide elle-même est une “foire d’empoigne” incontrôlée qui laisse souvent les personnes les plus vulnérables et les plus faibles sans aucune vivre. » Ce système de « piège mortel » doit « être abandonné », insiste HRW. Citant des témoins, l’organisation explique ainsi que « les forces israéliennes contrôlent le mouvement des Palestiniens vers les sites par l’utilisation de balles réelles ».
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Dans un commentaire transmis à l’AFP, l’armée israélienne a rejeté ces accusations et assure que le Hamas, « organisation terroriste brutale », « affame et met en danger la population pour maintenir son contrôle sur la bande de Gaza ». Tsahal dit avoir « récemment réaménagé de nouvelles clôtures, des panneaux, ouvert des itinéraires supplémentaires, et bien plus encore », en parlant de « processus de révision systématique afin d’améliorer la réponse opérationnelle dans la région et de minimiser, autant que possible, toute friction entre la population civile et les forces israéliennes. »
Selon l’ONU, au moins 1 373 Palestiniens ont été tués depuis le 27 mai « alors qu’ils cherchaient de la nourriture ».