Le président béninois Patrice Talon lors d’une cérémonie à Cotonou, en 2022. YANICK FOLLY / AFP
Une tentative de coup d’Etat a eu lieu ce dimanche matin à Cotonou, la capitale de fait du Bénin. Des soldats ont annoncé à la télévision publique démettre le président Patrice Talon de ses fonctions. Mais le gouvernement béninois a déclaré que la tentative de coup d’État avait « été mise en échec ». Le « Nouvel Obs » fait le point sur la situation.
Que s’est-il passé ?
Huit militaires, coiffés de bérets aux couleurs variées et armés de fusils d’assaut, se présentant comme le « Comité militaire pour la refondation » (CMR), ont annoncé dimanche matin avoir destitué le président Patrice Talon à la télévision publique béninoise.
Ils ont proclamé un lieutenant-colonel « président du CMR » et justifié leur prise de pouvoir par la « dégradation continue de la situation sécuritaire au nord du Bénin », la « négligence envers les soldats tombés au front et leurs familles laissées à leur sort », ainsi que par « des promotions injustes au détriment des plus méritants ».
Ils ont également dénoncé une remise en cause « déguisée des libertés fondamentales » par le pouvoir et présenté des revendications sociales.
Des coups de feu ont été entendus ce dimanche à Cotonou, et des soldats bloquaient l’accès au palais présidentiel. L’accès à la télévision nationale était également bloqué par des militaires, a constaté un journaliste de l’AFP. Les accès à plusieurs zones, notamment le Sofitel, hôtel cinq étoiles de la capitale économique, tout comme les quartiers regroupant des institutions internationales, étaient également interdits.
Mais dans la majeure partie de la ville, les habitants vaquaient à leurs occupations habituelles.
« Face à cette situation, les forces armées béninoises et leur hiérarchie, fidèles à leur serment, sont restées républicaines. Leur riposte a permis de garder le contrôle de la situation et de faire échec à la manoeuvre », a plus tard assuré à la télévision Alassane Seidou, le ministre béninois de l’Intérieur. « Il s’agit d’un groupuscule de personnes qui ont uniquement la télévision. L’armée régulière reprend le contrôle. La ville (Cotonou) et le pays sont totalement sécurisés », a dit cette source.
Selon l’AFP, qui s’appuie sur des sources militaires et sécuritaire, une douzaine de militaires arrêtés, dont les auteurs de la tentative de coup d’Etat.
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Qui est le président Patrice Talon ?
L’entourage du président Talon avait affirmé à l’AFP dans la matinée qu’il était en sécurité et que l’armée reprenait le contrôle de la ville.
Une source militaire a confirmé que la situation était « sous contrôle » et que les putschistes n’avaient pris « ni le domicile du chef de l’État », ni « la présidence de la République. » « C’est une question de temps pour que tout rentre dans l’ordre. Le nettoyage suit bien son cours », a poursuivi cette source.
Patrice Talon doit passer la main en avril 2026 lors d’un scrutin présidentiel, après deux mandats à la tête de ce petit pays côtier d’Afrique de l’Ouest à la croissance économique solide, mais miné par des violences djihadistes dans sa partie nord. La Constitution n’autorise en effet que deux mandats maximum. Le principal parti d’opposition est écarté de la course qui opposera le parti au pouvoir et un opposant dit « modéré. »
S’il est salué pour le développement économique du Bénin, Patrice Talon est régulièrement accusé par ses détracteurs d’avoir opéré un virage autoritaire dans un pays autrefois salué pour le dynamisme de sa démocratie.
Quels sont les réactions internationales ?
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a condamné « fermement cette action anticonstitutionnelle qui constitue une subversion de la volonté du peuple béninois », disant « soutenir le gouvernement et le peuple (béninois) par tous les moyens nécessaires », dans un communiqué.
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L’Union africaine (UA) a affirmé condamner « fermement et sans équivoque » la tentative de coup d’État dimanche matin au Bénin contre le président Patrice Talon et a appelé les militaires à rentrer dans leurs casernes.
Le président de la Commission de l’UA, Mahamoud Ali Youssouf, a également exhorté, dans un communiqué publié sur X, « tous les acteurs impliqués dans la tentative de coup d’État à cesser immédiatement toutes actions illégales » et à « retourner sans attendre à leurs obligations professionnelles ».
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Quel est le contexte géopolitique ?
L’histoire politique du Bénin a été jalonnée de plusieurs coups d’État ou tentatives.
Ce fut le cas en octobre 1963, lorsqu’un coup État militaire mené par le colonel Christophe Soglo renversa le pouvoir. Puis quand les militaires, qui avant rendu le pouvoir aux civils en 1964, reprirent le pouvoir en décembre 1965, confiant une nouvelle fois à Christophe Soglo, devenu alors général, le leadership. Celui-ci préside alors un Comité de rénovation nationale. Un nouveau putsch eu lieu en 1969, reversant cette fois Émile Derlin Zinsou, pour le remplacer par un directoire militaire présidé par Paul Emile de Souza.
Beaucoup plus proche de nous, le pays avait déjà connu deux tentatives de coup d’Etat sous la président de Patrice Talon, en 2020, puis en septembre 2024.
L’Afrique de l’Ouest a connu de nombreux coups d’État depuis 2020, au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Guinée et plus récemment, fin novembre 2025, en Guinée-Bissau.

