Le général Fabien Mandon, le 17 novembre 2025 à l’Elysée. LUDOVIC MARIN / AFP
Le chef d’état-major des Armées, le général Fabien Mandon, a provoqué un coup de tonnerre mardi 18 novembre au congrès des maires de France, en déclarant que le pays devait restaurer sa « force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est » et être prêt à « accepter de perdre ses enfants ». « Le Nouvel Obs » fait le point.
• « Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants… »
« On a tout le savoir, toute la force économique et démographique pour dissuader le régime de Moscou […], , a déclaré le général Fabien Mandon, le plus haut gradé français, lors de son discours devant les maires. Ce qu’il nous manque, et c’est là où vous avez avec un rôle majeur, c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est »
« Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu’il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production défense, alors on est en risque », a-t-il ajouté. « Il faut en parler dans vos communes », a-t-il conclu.
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• Des réactions indignées dans l’opposition
Des propos qui ne sont pas du tout passés inaperçus, et ont déclenché la colère des partis d’opposition. Plusieurs responsables politiques ont accusé le président Emmanuel Macron de préparer les esprits français à la guerre contre la Russie.
« Un chef d’état-major des Armées ne devrait pas dire ça », a déclaré le groupe parlementaire de La France insoumise dans un communiqué. Le chef de file du parti, Jean-Luc Mélenchon, a exprimé sur X son « désaccord total » avec le général : « Ce n’est pas à lui d’aller inviter les maires ni qui que ce soit à des préparations guerrières décidées par personne. » Il l’a également accusé de « prévoir des sacrifices qui seraient la conséquence de nos échecs diplomatiques sur lesquels son avis public n’a pas été demandé ».
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Même constat du côté du communiste Fabien Roussel, qui tonne sur X : « C’est NON ! 51 000 monuments aux morts dans nos communes ce n’est pas assez ? Oui à la défense nationale mais non aux discours va-t-en-guerre ».
« Il faut être prêt à mourir pour son pays […] en revanche, il faut que la guerre qui soit menée soit juste […] ou que la nécessité fasse que ce soit carrément la survie de la nation qui soit en jeu », a de son côté jugé Louis Aliot, du Rassemblement national. Le vice-président du parti, Sébastien Chenu, a lui estimé que le général Fabien Mandon n’avait pas « la légitimité » pour s’exprimer ainsi. Il a dénoncé « une faute » de sa part – « ou alors le président de la République lui a demandé de le faire et c’est encore plus énorme ».
• Catherine Vautrin défend le général Mandon, « pleinement légitime à s’exprimer »
La ministre des Armées Catherine Vautrin a de son côté défendu les propos du général Mandon, « sortis de leur contexte à des fins politiciennes » mais qui « relèvent du langage militaire d’un chef qui, chaque jour, sait que de jeunes soldats risquent leur vie pour la Nation », a-t-elle déclaré. Celui-ci est « pleinement légitime à s’exprimer sur les menaces » pesant sur le pays.
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Selon elle, il est même « important que les maires soient sensibilisés au contexte actuel ». « Notre responsabilité est claire : éviter tout affrontement mais nous y préparer, et consolider l’esprit de défense, cette force morale collective sans laquelle aucune nation ne pourrait tenir dans l’épreuve », ajoute-t-elle.
« Non l’idée n’est pas d’envoyer nos enfants au front », appuie-t-on également auprès de l’AFP dans l’entourage de la ministre déléguée Alice Rufo. « Il y a besoin d’une prise de conscience de la réalité », selon cette source.
• Des autorités qui préparent les esprits à la guerre
Les autorités françaises – à l’instar d’autres gouvernements européens – tentent depuis des mois de préparer les esprits des Français à des sacrifices en cas de guerre, déployant un discours récurrent pour faire comprendre à la population l’instabilité croissante provoquée par les ambitions de Moscou et les positions mouvantes de l’allié américain. Mais le message peine à infuser dans une population qui se sent loin des combats en Ukraine et protégée par sa dissuasion nucléaire.
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La Revue nationale stratégique de 2025, feuille de route des autorités, rappelle ainsi que la France doit « se préparer à l’hypothèse d’un engagement majeur de haute intensité dans le voisinage de l’Europe à horizon 2027-2030, parallèle à une hausse massive des attaques hybrides sur son territoire ».
L’exécutif s’apprête par ailleurs à annoncer l’instauration d’un service militaire volontaire et publie ce jeudi un guide « face aux risques », regroupant des conseils pour réagir à un large éventail de menaces, des inondations aux cyberattaques ou des guerres.
Sême si 64 % des Français craignent que le conflit militaire se propage jusqu’en France, selon un sondage Elabe de mars 2025, nombre d’entre eux continuent toutefois de se sentir éloignés de la guerre.

