Deux généraux, des armées rivales, des puissances étrangères impliquées… Au milieu de ce chaos, la population soudanaise est une nouvelle fois prise dans la tourmente.
Ce ne sont pas des images d’archives. Le Darfour est à nouveau en flammes, ravagé par une violence extrême depuis la prise d’El-Fasher par les hommes des Forces de soutien rapide (FSR), dirigés par le général Mohamed Hamdan Dagalo. Ce dernier poursuit, depuis deux ans, une guerre civile sans relâche contre le général Abdel Fattah al-Burhan, à la tête des forces armées soudanaises.
“J’entends trop souvent que le conflit n’est que la rivalité de deux généraux. C’est faux”, corrige Roland Marchal, chercheur à Sciences Po et spécialiste des conflits armés en Afrique. Le 27 octobre, le secrétaire général de l’ONU a lui-même dénoncé les multiples ingérences étrangères à l’œuvre dans la région, qu’il juge responsables de l’aggravation de la crise humanitaire.
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Les puissances étrangères derrière le conflit
Le contrôle du terrain n’aurait sans doute pas été possible sans le soutien décisif des Émirats arabes unis, principal allié des FSR. “Ils donnent accès à des drones de très bonne qualité et jouent un rôle clé dans l’approvisionnement en carburant”, explique Roland Marchal. Acheminé depuis le Tchad ou la Libye, ce carburant transite par “des lignes d’approvisionnement orchestrées par Abou Dhabi”.
Mais les forces armées soudanaises ne sont pas en reste et peuvent aussi compter sur des appuis étrangers. Russie, Iran et Turquie les aident à réparer leurs avions, fournir des munitions, reconstruire les usines détruites et livrer des drones.
“La guerre au Soudan dure parce que ces États interviennent”, admet le chercheur de Sciences Po. “Mais ils jouent un rôle depuis longtemps, et ce rôle n’a pas toujours été négatif. Parfois, l’intervention a aidé, comme quand les Émirats arabes unis avaient soutenu la livre soudanaise lors de son effondrement”.
Les intérêts qui dictent la guerre
Mais pour défendre leurs intérêts, les puissances régionales doivent désormais financer la guerre. Riche en or, traversé par le Nil et bordé par la mer Rouge, le Soudan occupe une position stratégique de premier ordre. L’Iran et la Russie lorgnent ses rivages, rêvant d’y installer des points d’appui sur la mer Rouge, tandis que l’Égypte observe avec inquiétude l’évolution de la situation à ses frontières.
L’or, lui, attise toutes les convoitises. Les Émirats arabes unis profitent largement du métal précieux extrait illégalement par les hommes des FSR, qui contrôlent plusieurs zones aurifères, notamment au Darfour.
Mais derrière la ruée vers l’or, les calculs politiques priment. “Les politiques de chaque État qui intervient ne sont pas indépendantes les unes des autres”, souligne Roland Marchal. “Abu Dhabi déteste le régime de Téhéran, déteste les Frères musulmans et les islamistes, donc les officiers de l’armée. Or ou pas or, évidemment qu’il va intervenir”.
Vers une trêve ?
Depuis plusieurs mois, un groupe de médiation réunissant les États-Unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis tente d’élaborer un plan de paix. Mais les propositions présentées à la mi-septembre sont restées lettre morte. Ce mardi 4 novembre, le Conseil de souveraineté, présidé par le chef de l’armée soudanaise, a toutefois annoncé étudier une nouvelle proposition de trêve portée par Washington.
Une initiative saluée, mais accueillie avec prudence. “Les Américains vont vouloir foncer mais il n’est pas sûr qu’ils comprennent l’ampleur du problème.” Pour l’expert, l’enjeu dépasse la simple signature d’un cessez-le-feu. “Même si c’est pour l’heure l’objectif principal, il faut penser à l’après. Il est impossible de continuer avec deux factions armées qui se disputent le pouvoir. Les Américains ont une vision trop simple, trop cynique des choses, tout comme à Gaza.”

