October 22, 2025

DECRYPTAGE. "Un choc d’ici 3-4 ans" : face à la Russie et au "retour des empires", comment les généraux français préparent notre pays à la guerre

l’essentiel
Pour la première fois depuis des décennies, les plus haut gradés français évoquent ouvertement la possibilité d’un affrontement majeur en Europe. Leurs mots – “choc”, “urgence”, “retour des empires” – marquent un tournant dans le discours militaire. Et une alerte à peine voilée.

“Le futur n’est pas écrit”, prévient le général Pierre Schill. Mais pour lui comme pour le général Fabien Mandon, chef d’état-major des Armées, il est temps que la France s’y prépare. En l’espace de seulement quelques heures ce mercredi 22 octobre, deux des voix les plus importantes de la hiérarchie militaire française ont tenu un discours d’une gravité rare : la guerre, ou du moins un “choc” majeur, pourrait frapper l’Europe d’ici quelques années. Ce n’est plus une hypothèse abstraite, c’est une échéance selon eux.

Devant les députés de la commission de la Défense, le général Fabien Mandon a livré un constat sans détour : “Le premier objectif que j’ai donné aux armées, c’est de se tenir prêtes à un choc dans trois, quatre ans”. À ses yeux, la Russie, “désinhibée dans le recours à la force”, pourrait être “tentée de poursuivre la guerre sur notre continent”. L’avertissement s’aligne sur celui des services secrets allemands, qui jugent crédible un affrontement direct entre Moscou et l’Otan avant 2029.

L’armée française doit être «prête à un choc dans trois, quatre ans» face à la Russie, qui «peut être tentée de poursuivre la guerre sur notre continent», a affirmé mercredi le chef d’état-major des armées françaises, Fabien Mandon, pour justifier «l’effort de réarmement». pic.twitter.com/79b5V2Nag8

— Le Figaro (@Le_Figaro) October 22, 2025

Ce discours, inhabituellement direct, traduit un virage stratégique : après deux décennies de “guerres périphériques”, la France se prépare à un conflit d’ampleur, à haute intensité, et possiblement sur le sol européen. Pour le général Mandon, l’enjeu dépasse la simple modernisation des forces : il s’agit d’un réarmement psychologique. “Si nos adversaires perçoivent que nous avons la détermination de nous défendre, ils peuvent renoncer. Mais s’ils sentent que nous ne sommes pas prêts, je ne vois pas ce qui peut les arrêter.”

Le devoir d’être prêts

Un peu plus tôt, sur RTL, le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre, avait tenu un discours du même acabit. “Les menaces s’accroissent, deviennent plus urgentes, plus radicales”, a-t-il déclaré. “Une méprise peut arriver et un engrenage s’installer… Il faut que nous soyons prêts.” Et d’ajouter cette formule saisissante : “Pour être libres, il faut être craints. Et pour être craints, il faut être forts.” À la tête de 110 000 soldats, il défend une armée “crédible, adaptée au conflit d’aujourd’hui”, mais qui doit aussi savoir “s’adapter à ce qui vient”.

Ces prises de parole, coordonnées ou non, traduisent une évolution de fond dans la communication militaire française. Longtemps cantonnée à un registre technique ou institutionnel, l’armée s’exprime désormais comme un acteur stratégique à part entière, conscient de devoir préparer les esprits, pour faire comprendre aux citoyens comme aux responsables politiques que la dissuasion ne suffit plus. L’augmentation du budget de la Défense – 57,1 milliards d’euros prévus en 2026, soit 2,2 % du PIB – n’est pas seulement une ligne comptable, mais un signal. Un message adressé autant à Moscou qu’à l’opinion publique.

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“Le monde reste très instable”, rappelle le général Schill, évoquant aussi la menace iranienne et les foyers de crise en Afrique ou au Moyen-Orient. “C’est le retour des empires : face à un empire, on est vassalisé ou on est ennemi.” Une phrase lourde de sens, qui replace la France et l’Europe dans une logique de puissance et d’affrontement, à rebours du discours pacifié d’après-guerre froide.


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