November 6, 2025

Un an après l’élection de Donald Trump, "la victoire de Zohran Mamdani est un sursaut" pour un parti démocrate "en crise"

l’essentiel
Après une année tumultueuse à la tête des Etats-Unis, quel bilan dresser du début du second mandat de Donald Trump ? Entre dérégulations en tout genre, tensions économiques, accusations d’autoritarisme, et réveil tardif de l’opposition démocrate, revigorée par la campagne de Zohran Mamdani, Dominique Simonnet, journaliste spécialiste de la politique américaine, analyse le retour tonitruant du milliardaire à la Maison blanche.

Il y a un an, Donald Trump était élu. Quel bilan peut-on en dresser de cette première année ?

Il a réalisé une partie de son programme : les dérégulations dans le domaine de l’énergie, le tour de vis sur l’immigration. C’est plus mitigé sur le plan économique avec un risque d’inflation, provoqué par l’instabilité qu’il crée lui-même avec les droits de douane ou encore la baisse de l’immigration qui entraîne une baisse de main-d’œuvre.

Sur le plan international, il a eu un succès évident au Moyen-Orient mais côté Ukraine, il fait toujours un pas en avant et un en arrière. Et il a quand même essayé d’entamer une guerre commerciale avec la Chine.

Par ailleurs, il y a une angoisse au sein de la population alors que la démocratie américaine est très secouée. Donald Trump a asservi un certain nombre de contre-pouvoirs. La justice est à ses ordres, avec ses trois anciens avocats au ministère. Il a renforcé d’une manière inédite dans l’histoire du pays les pouvoirs de la Maison Blanche et de l’exécutif en gouvernant par décret.

La population américaine a rarement été aussi divisée. Le président est très critiqué. Pour autant, qu’en est-il de sa popularité, notamment au sein de sa base MAGA ? Lui reste-t-elle fidèle, malgré des mesures comme les droits de douane qui impactent directement les entrepreneurs et les commerçants ?

C’est difficile à dire, la base MAGA étant compliquée à identifier. Il y a eu un petit rejet au sujet de l’affaire Epstein, quand il a annoncé qu’il ne déclassifierait pas les éléments du dossier. Mais c’est vite passé. Il y a néanmoins une inquiétude au sein de sa base populaire sur le pouvoir d’achat. Les produits de consommation restent chers. Le chômage a l’air de remonter. Et le marché du travail est perturbé par les mesures anti-immigration qui impactent fortement des Etats comme la Californie, qui dépend de la main-d’œuvre immigrée dans le secteur agricole notamment.

Des experts parlent de glissement vers “l’autoritarisme”. Aujourd’hui, en sachant qu’il a la majorité au Congrès et que la Cour suprême lui est acquise, quels garde-fous restent-ils pour résister à Trump ?

Pour l’instant, il passe outre toutes les lois et réglementations habituelles. C’est une théorie élaborée avant son élection par des think-tanks ultraconservateurs : “l’exécutif unifié”. Selon celle-ci, comme le président a été élu par une majorité du peuple Américain, il serait légitime pour prendre des décisions en son nom. C’est donner pratiquement les pleins pouvoirs à la Maison-Blanche et nier toute possibilité pour les contre-pouvoirs de s’y opposer.

D’ailleurs, c’est ce qu’il demande à ses représentants au Congrès : d’être loyaux, non pas envers la Constitution, mais envers lui. Il a une vision très autocratique du pouvoir qui ne correspond pas du tout à l’esprit de la Constitution. Les Pères Fondateurs avaient tout prévu dans ce texte pour préserver la séparation des pouvoirs. Ils avaient cependant une hantise : l’arrivée d’un démagogue. Un président qui serait légitimement élu et qui profiterait des petites failles de la Constitution pour affirmer son pouvoir. Il a fallu attendre 250 ans, mais aujourd’hui, Trump, c’est ça.

Il parle déjà de briguer un autre mandat. Même si la Constitution l’interdit, est-ce possible ?

Sur le plan constitutionnel, c’est absolument impossible. Cependant, à partir du moment où vous avez quelqu’un de mauvaise foi qui tord les textes et leur esprit, tout est possible.

Pendant les premiers mois de cette présidence, le parti démocrate semblait amorphe. Depuis peu, une forme de résistance semble émerger, avec des manifestations de grande ampleur ou encore des protestations aux arrestations des agents de ICE. La campagne de Zohran Mamdani semble également avoir suscité de l’engouement au sein de l’électorat démocrate. Qu’en est-il de l’opposition aujourd’hui ?

L’élection de Mamdani est une forme de sursaut, oui. Encore que c’est New York, l’électorat est très différent de l’électorat américain moyen. Mais deux gouverneurs démocrates modérées ont également été élues donc il y a un penchant vers les démocrates dans ces élections.

Il est clair que les Démocrates ont été incapables de réagir. C’est un parti en crise qui n’arrive pas à se renouveler. Ils se demandent toujours pourquoi ils ont perdu la présidentielle. Ils n’ont toujours pas compris qu’ils n’avaient pas vraiment parlé aux Américains, à leurs préoccupations. Mamdani a justement été élu parce qu’il a compris cela et a mis en avant le pouvoir d’achat, les transports, les loyers. Contrairement à Harris, il a eu un discours concret qui concerne la vie quotidienne.

Obama et Harris se sont félicités de l’élection de Zohran Mamdani, alors même qu’ils sont sur des lignes politiques assez différentes. Cette élection peut-elle insuffler un renouveau au sein du Parti démocrate et peuvent-ils tenter de surfer sur cette victoire ?

Effectivement, ils ne sont pas du tout sur la même ligne. Mamdani est beaucoup plus à gauche. Mais, encore une fois, c’est du local. Il y un effet fraîcheur, parce que c’est New York, parce que la personnalité de Mamdani, quelqu’un de jeune, qui a fait une campagne très proche des gens, très présent sur les réseaux sociaux, suscite un intérêt. Mais je ne pense pas qu’il soit un exemple de l’évolution du Parti démocrate. Après, il y a des scissions internes. Une partie des militants, notamment les jeunes, veut aller plus à gauche et arrêter d’essayer de chercher quelque chose au centre.

Qu’est-ce que la situation actuelle présage pour les élections de mi-mandat dans un an ?

C’est trop tôt pour le dire. Tout dépendra de la situation intérieure et internationale à ce moment-là. On voit néanmoins déjà des manœuvres politiques s’organiser, notamment le redécoupage des cartes électorales, d’abord au Texas pour favoriser les Républicains et votée en Californie mardi pour favoriser les Démocrates. Ces grandes manœuvres préélectorales peuvent se multiplier. En Californie, ça joue sur cinq sièges. Ce n’est pas rien quand on voit les écarts à la chambre des représentants.

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